Il y a quelques temps, la taquine Mélusine mayant transformé
en lapin, je grignotais tranquillement quelques carottes auprès de mon
terrier, en attendant patiemment quelle me rende mon apparence habituelle,
lorsque jentendis des pleurs. Mapprochant, je découvris une
jeune fille toute éplorée.
« Ah Monsieur Lapin, comme je suis triste. Etant parti à la recherche
de médicaments pour soigner ma pauvre mère, je suis tombée
prisonnière de trois vilaines sorcières. Depuis 8 jours je travaille
pour elle, à faire le ménage et la lessive. Maintenant, elles
veulent que je leur fasse à manger, et si ce nest pas bon elles
vont me manger. Mais je ne sais pas faire la cuisine, Monsieur Lapin ! Alors,
elles vont me manger, et que va devenir ma pauvre mère ? »
« Mais pourquoi ne te sauves-tu pas ? »
« Cest à cause du sortilège. Je ne peux sortir du
bois. »
« Ne ten fais pas, je vais taider. Au-dessus de mon terrier,
tu apercevras un ruban brodé. En tirant très fort dessus, tu verras
une trappe souvrir. Descends les escaliers sans avoir peur. Dans la pièce
du fond, sans faire attention au désordre, tu trouveras un vieux chaudron.
Emporte-le chez les sorcières et mets-le sur le feu. La cuisine sy
fera toute seule. Lorsquelles auront mangé, elles seront tellement
satisfaites, quelles iront sendormir. Alors tu mappelleras
et ensemble nous trouverons là-bas comment sortir du sortilège.
»
Cest ainsi quelle fit, avec beaucoup de difficulté car le
chaudron était très lourd.
Lorsquelle le mit au-dessus des flammes douces de la cheminée,
il se remplit instantanément et une merveilleuse odeur aux multiples
saveurs se répandit doucement dans la chaumière. Lorsque les sorcières
rentrèrent, elles furent dabord surprises de sentir ce qui mijotait,
puis elles se précipitèrent pour manger.
« Il est tellement bon ce lapin, que je vais en reprendre ! »
Lorsquelles se furent bien régalées, en vidant à
trois un chaudron qui aurait pu suffire à vingt gaillards, elles se sentirent
tellement repues quelles décidèrent daller sallonger
pour digérer tout en se demandant ce quelles pourraient exiger
le lendemain.
Après avoir attendu quelles se soient bien endormies, la jeune
fille mappela et je vins avec elle pour chercher comment lever le sortilège.
Nous eûmes beau retourner toute la maisonnée, regarder dans tous
les placards, nous ne trouvâmes aucun livre de sortilèges, aucun
manuscrit magique.
« Tant pis, gentil Lapin. Je te remercie quand même de ton aide.
Avant de te rapporter ton chaudron, je vais le nettoyer. »
Lorsquelle se mit à frotter le chaudron, une boule de fumée
en sortit et se développa dans la pièce. De cette fumée
surgit un drôle de personnage, avec des cercles de verres devant les yeux
et une mine réjouie et adolescente.
« Je suis le génie des Fenêtres. Que puis-je faire pour vous
dépanner ? »
Nos explications lui rendirent la mine renfrognée.
« Ah ça, je ne sais pas trop quoi faire. Cest une situation
inattendue. Essayez toutefois la formule rituelle que voici. »
Nous nous rendîmes rapidement à la lisière du bois et là
nous prononçâmes ensemble la formule :
« Alt-Ctrl-Suppr. »
Cela fonctionna et la jeune fille put enfin séloigner du bois et reprendre le cours normal de son histoire de jeune fille. Quant à moi, je repartis en sautillant attendre plus loin le bon vouloir de Mélusine.
Recette du Lapin aux Milles Saveurs
1 lapin, 2 gousses d'ail, 1 brin de romarin, 1 gros oignon, 2 carottes, 1 branche de céleri, thym et laurier, 25 cl de vin rouge, 25 cl de bouillon, 2 tomates pelées et émondées, 50 g de raisins secs, 50 g. de pignons de pin, 50 g de citron confit, 1 cuillerée à soupe de miel, 3 cuillerées à soupe de vinaigre, piment doux, curcuma, beurre clarifié, 25 g de beurre et 25 g de farine (en beurre manié), sel et poivre.
Préchauffez le four Th.5.
Faites revenir le lapin coupé en morceau dans un peu dhuile ou
de beurre clarifié.
Remplacez-les par lail, loignon, les carottes, le céleri,
et laissez étuver.
Puis rajoutez les morceaux de lapin, tomates, vin, bouillon, sel, poivre, herbes.
Portez à ébullition, puis couvrez et mettez au four pour une heure.
Versez dans une petite casserole citrons découpés, raisins, pignons, miel, vinaigre, pointe de piment doux, curcuma. Laissez réduire sur petit feu jusquà la disparition totale du liquide.
Lorsque le lapin est cuit, réservez au chaud. Passer le jus de cuisson
au chinois dans la casserole de citrons.
Mélangez et portez à ébullition, puis intégrez le
beurre manié. Vérifiez lassaisonnement.
Servez très chaud, en nappant chaque morceau de lapin de sauce, et en accompagnant de boulghour par exemple.
Ce nest certainement pas méchamment quon la surnommait Djinette
la Paresseuse. Mais simplement parce quelle aimait bien faire la grasse
matinée, traîner longuement au soleil en prenant son petit-déjeuner,
et adorait faire la sieste après le repas. Mais comme le reste du temps
elle soccupait très bien de ses différentes tâches
ménagères, quelle était en plus dhumeur fort
agréable et que sa cuisine était délicieuse, son mari ne
se plaignait absolument pas.
Et les autres avaient un petit air de jalousie en parlant de Djinette la Paresseuse.
Mais voilà, toute bonne chose ayant une fin, un jour son plus proche
voisin fit lacquisition dun nouveau coq. Il lavait rapporté
dune exposition agricole et comme il était un brin prétentieux,
il avait choisi un modèle extraordinaire, tout nouvellement sorti des
laboratoires de lINRA : turbo compressé, mollets avec ABS, ergots
en alliage, crête en carbone, et surtout une qualité sonore exceptionnelle,
grâce au Dolby, effet Surround et Subwoofer intégré.
Dès avant laube, et toute la journée, ses chants magnifiques
et victorieux ébranlaient les vitres du voisinage. La pauvre Djinette
était réveillée dès 5 heures du matin, et pour la
sieste, il ne pouvait en être question.
« Pauvre peuchère de moi, té
Mais cest que
je vais dépérir, moi, bonne-mère té. »
Ni tenant plus, et souhaitant au plus tôt retrouver ses belles habitudes
dantan, un soir elle déposa un bol de vin à la cannelle
non loin de lenclos du super-volatile, se disant que sil pouvait
au moins une fois faire la grasse matinée, elle serait heureuse den
profiter aussi. Le coq, intrigué, vint goûter le breuvage. Celui-ci
lui plût tant, quil vida le bol en un rien de temps. Bien évidemment,
il sécroula rapidement, complètement ivre-mort. Au matin,
il dormait encore.
Cest le patron qui le découvrit, bien après le lever du
soleil et se mit à le secouer.
« Coc-hic.... Ho la la, ma tête, chuchota le coq.... Ne criez pas
si fort ! Dailleurs je vais me recoucher, je ne suis pas très bien
ce matin. »
Sans aucune honte, Djinette put dormir longuement ce matin-là. Ce qui
lincita à renouveler lopération.
Cela dura bien un mois, et bien entendu, cela ne plaisait pas à la basse-cour.
Les poules se moquaient du coq et cessèrent de pondre. Certaines même
fuguèrent discrètement. Car un coq ivre-mort tout au long de la
journée, complètement incapable de quoi que ce soit
Tant et si bien que le fier paysan, dont les déboires faisaient rire
le village, se décida à se débarrasser du coq. Il le donna
à Djinette qui se dépêcha d'en faire un coq au vin...
Coq au vin
Un coq d'1,800 kg; 125 grammes de champignons de couche; 100 grammes de lard de poitrine maigre; une douzaine de petits oignons; une cuillerée à soupe de farine; 1/2 litre de bouillon peu salé; 2 gousses d'ail; un petit bouquet garni; le sang du poulet maintenu liquide par l'appoint d'un filet de vinaigre; 3 cuillerées à soupe de cognac; 50 grammes de beurre; 2 litres de vin rouge.
Découper la volaille. Assaisonner de sel fin et de poivre frais moulu.
Tailler le lard en petits lardons, les mettre dans une sauteuse couverts d'eau
froide et les ébouillanter 5 minutes; les égoutter et les éponger.
Ebouillanter les lardons et les rissoler doucement au beurre avec les petits
oignons.
A leur place et en plein feu, faire rissoler les champignons bien nettoyés,
lavés rapidement et coupés en quartiers.
Dans le même beurre, faire revenir sans brusquerie les morceaux de coq,
puis les saupoudrer avec la farine, mélanger et laisser roussir un peu
au four à découvert. Après 5 minutes, ajouter l'ail broyé,
remuer le tout une minute, et mouiller avec le vin. Chauffer jusqu'à
l'ébullition en ayant soin de remuer constamment. Compléter avec
le bouquet garni, les oignons, les lardons et les champignons.
Achever le mouillement, juste à hauteur, avec le bouillon nécessaire.
Couvrir et cuire 45 minutes très doucement à four de chaleur moyenne.
Après ce temps, sortir du four et décanter le coq en mettant les
morceaux et la garniture dans un récipient. Passer dessus la sauce au
chinois fin.
Une fois passée, remettre le coq et la sauce dans la casserole en terre
nettoyée, faire bouillir, vérifier l'assaisonnement et lier.
La liaison.
Diviser le foie en gros dés, les assaisonner de sel et poivre, les raidir
rapidement à la sauteuse avec une petite noix de beurre, les verser sur
un tamis et les fouler au pilon. Recueillir cette purée de foie dans
le sang de coq et diluer avec le cognac.
Retirer du feu la casserole de coq pour arrêter l'ébullition, verser
un peu de sauce très chaude en filet dans le bol de sang en le remuant
au fouet, ajouter le tout dans la casserole en agitant cette dernière
par un mouvement de rotation pour unifier le mélange et assurer la liaison
sans bouillir par un début de cuisson du sang et du foie soumis à
la chaleur concentrée dans l'ustensile.
Servir chaud.
Il était une fois, il y a fort longtemps, une jolie princesse aux longs cheveux blonds et soyeux, et aux merveilleux yeux bleus clairs comme une cascade deau fraîche. Elle habitait un très beau château, avec des tours et un donjon, des salles claires et des chambres chauffées, un pont-levis et des douves propres. Mais elle sennuyait tellement toute la journée, que notre histoire na rien à voir avec elle.
Bien loin de là, au même moment, dans le Revermont, vivait Martin,
un gentil viticulteur, aimable et travailleur, très heureux de sa vie.
Il faut dire quil avait épousé une très gentille
femme et quils avaient des enfants adorables.
Comme tous ses collègues de la région, il produisait du vin jaune,
quil entretenait de tous ses soins. Et cétait tous les ans
fête lors de la percée, en début février.
Mais depuis quelque temps, il était soucieux : il avait limpression
que le niveau de ses tonneaux de vin prêt à la consommation baissait
un peu plus que ce quil en tirait. De chacun des tonneaux mis en bouteilles,
il manquait chaque fois environ une dizaine de litres. Lorsquil en avait
parlé à quelques amis, ceux-ci lavaient évidemment
mis en boîte, comme quoi il était probablement somnambule et buvait
la nuit sans même sen rendre compte.
Sachant bien quil ne sagissait pas de cela, il avait bien essayé
de veiller, caché dans un recoin de la cave, mais en vain.
Lorsquun jour, Jeannette, sa femme, lui demanda sil navait pas vu quelque part la poularde quelle destinait au repas du dimanche, ses soucis se firent plus acérés. Une poularde ne disparaît pas toute seule !
Il décida donc darroser un peu sa cour et les environs tous les
soirs pour parvenir à en avoir le coeur net.
Et cest ainsi quun matin, il découvrit enfin des traces.
Ses amis accourus en convinrent avec lui, et les anciens le confirmèrent
: il sagissait de traces de loup. Et quand il eu fait un tour dans sa
cave, il remarque quil manquait 2 bouteilles de vin jaune !
Aussitôt, et sans vraiment comprendre le fin mot de lhistoire,
les paysans organisèrent une battue. Aidés par les soldats du
comté. Trois jours plus tard, ils revinrent tout crottés et la
mine défaite : ils étaient bredouilles et navaient trouvé
aucune trace du loup buveur de vin jaune.
Par contre, il manquait 2 autres poulardes dans le poulailler et quatre autre
bouteilles dans la cave.
Huit jours plus tard, ils firent une autre battue, avec le même insuccès.
Au bout de trois mois, les anciens du village se réunirent en conseil, et convinrent que ce loup nétait finalement pas trop nuisant : il se contentait de quelques poules et quelques bouteilles. Plutôt que de continuer à lui courir après en vain, en délaissant les travaux agricoles, ils décidèrent que tous les villageois se cotiseraient pour dédommager Martin, en espérant que le loup continuerait à se contenter de poules et de vin, et ne sattaquerait pas aux troupeaux ou aux enfants.
Ainsi fut fait, et tout se passa bien désormais. Sauf une fois, où
le loup emporta un jambon sec, en laissant par terre une bouteille vide cassée.
Celle-la même quil avait emporté 8 jours auparavant. Chacun
dans le village compris le geste : aucun dentre eux nappréciait
vraiment le vin du Germain Tissot, et cest sa bouteille qui ce jour-là
avait été offerte au loup.
Depuis ce temps-là, la ferme de Martin sappelle la Ferme au Loup,
et encore aujourdhui de nombreux touristes viennent la visiter. Et ce
nest pas parce quils achètent en cette occasion des bouteilles
de vin jaune, que cette histoire ne doit pas être considérée
comme véridique.
Poularde de Bresse au vin jaune et aux morilles (recette de Jean Durand)
600 gr de morilles fraîches ou réhydratées, ce que je préfère.
10/15 cl de vin jaune ,4 dl de crème, 2 jaunes d'ufs, jus de citron,
beurre, sel, poivre
Préparation
Faire suer au beurre les morceaux de poularde dans une sauteuse, ajouter un
peu de vin jaune jusqu'à évaporation puis fermer et cuire à
feu moyen environ 35 minutes, avant cuisson complète. Ajouter les morilles
qui vont rendre leur eau à couvert jusqu'à évaporation
totale.
Préparer une liaison de crème et de jaunes d'oeufs pour la finition
de la sauce.
Déglacer au vin jaune, ajouter de la crème et poursuivre à
couvert.
Vérifier la cuisson avec le pouce et l'index : la chair doit s'écraser
sous les doigts. Les ailes cuisant plus vite, en fin, disposez-les au-dessus
des pattes et du liquide de cuisson. On peut aussi piquer les cuisses au milieu
de la jointure : si le liquide qui perle à cet endroit est translucide,
la cuisson est terminée
En fin de cuisson, sortir et maintenir au chaud les morceaux dans le plat de service. Faire bouillir la crème et les morilles puis terminer la sauce avec la liaison crème/oeuf à feu doux. Rectifier l'assaisonnement, ajouter quelques gouttes de citron puis verser sur les morceaux de volaille.
« Bijou ? Est-ce que tu veux une bière ? Ou préfères-tu autre chose ? »
Assis au bout de la table, le dos droit, Papie avait acquiescé simplement
de la tête, sans perdre un seul instant son regard amusé, rieur
et pétillant, comme sil était en permanence content de la
vie, et du bon tour quil jouait aux sommités médicales.
Ses lèvres gourmandes faisaient rouler sa cigarette fait main pendant
que ses doigts continuaient de défaire des noix.
Et le regard énamouré que Mamie posait en permanence sur son homme
de 80 ans passés, faisait chaud au cur. Le bonheur existe aussi
à cet âge-là. Et les attentions tendres.
« Vous mangerez bien avec nous ? Mais cest un repas de fortune, hein ! On ma parlé de vos talents de cuisinier et de votre gourmandise, alors ne faites pas attention à la cuisine simple dune vieille paysanne. Cest sans prétention, mais que des bons produits de la ferme. »
Evidemment Mamie Bonheur avait mitonné ses meilleures recettes, et tout en dégustant je me plaisais à regarder Papie Bonheur se régaler lui aussi avec les escargots ramassés dans les prés ou humer le petit vin quil faisait venir du Haut Beaujolais. Du corps, des arômes . Ce que cest tout de même que les accointances !
Lorsque nous goûtâmes une merveille de poularde de Bresse à
la crème, il renchérit de ses mots devenus rares :
« Nous autres les foies jaunes, on aime bien déguster ces petites
bas bleus ! »
Ses yeux rieurs pétillaient dhumour, et même Mamie Bonheur
souriait de la boutade.
Après le repas, Mamie nous fit lhonneur de sa cave, pour nous offrir quelques bocaux de sa fabrication. Quelle vue extatique que cette cave ancienne et poussiéreuse, avec tous ces bocaux soigneusement alignés, étiquetés, pleins de merveilles simples. Je repartis ainsi avec une bouteille dhuile de noix, des cardons étuvés, des haricots blancs et une macédoine de jeunes légumes. Et la vision dune belle collection de bouteilles plus ou moins poussiéreuses, emplies dun liquide incolore. Les bouteilles de gnôle de Papie, sagement conservées, puisque sa production dépasse à présent sa consommation.
« Une autre fois, je pense quil vous en offrira une bouteille.
Il nen boit plus beaucoup, mais il ne les donne pas facilement. Avec lui,
il faut savoir patienter pour lui plaire. Mais après
»
Et lon devinait derrière cette observation une longue expérience
vécue.
Evidemment je retournerai les voir, mais pas pour obtenir une bouteille. Parce
que cela fait du bien de voir de près des gens heureux aux alentours
des 80 ans. Cest réjouissant, et simplement.
Cest bien beau quand même la vie et lamour
..
Poularde de Bresse à la crème.
Faire revenir au beurre chaud les morceaux de poularde préalablement
salés et poivrés.
Lorsquils sont colorés, arroser de cognac et faire flamber.
Ajouter des aromates (ail, oignon, thym, laurier). Fariner et laisser blondir.
Mouiller alors avec du vin blanc et du bouillon.
Laisser cuire à couvert 40 minutes au four doux.
Mélanger 3 jaunes dufs et 50 cl. de crème fraîche
épaisse.
Retirer les morceaux de poularde et faire réduire la sauce.
Ajouter le mélange à la crème et chauffer sans porter à
ébullition.
Vérifier lassaisonnement et verser sur les morceaux de poularde
avant de servir.
Jeanne vivait seule depuis quelques temps, dans sa petite ferme au-dessus du
village alpin; sa fille sétait mariée de lautre côté
de la vallée. Son mari était parti il y a bien longtemps, lui,
attiré par les flonflons enivrants de la grande ville.
Elle ne se plaignait pas, Jeanne. Elle se contentait de vivre simplement en
soccupant des bêtes, des prés, des fromages. Lorsque le besoin
se faisait sentir, elle embauchait un journalier, et pour certaines tâches
elle trouvait toujours à se faire aider, à charge de revanche.
Et sa vie sécoulait tranquillement, au rythme des saisons. Elle
nétait pas sauvage pour autant, et vivait en bonne intelligence
avec son voisinage.
Ce matin-là, un des premiers jours du printemps, elle aperçut
un homme descendant le sentier venant du col. Elle le regardait sapprocher
sans ciller des yeux et remarquait la démarche assurée du montagnard,
malgré le lourd sac à dos usé. Lorsquil fut plus
près, elle remarqua la tignasse brune en bataille, les yeux vifs, le
teint hâlé par le soleil et le vent.
« Bonjour ! Je cherche du travail. Jai la chance davoir des
bras vigoureux et je ne suis pas fainéant. Et je ne cherche pas fortune.
»
« Bien le bonjour ! Jaurais bien besoin daide parfois, mais
je nai pas les moyens davoir un ouvrier. Mais demandez au village,
en bas. Il y a toujours de louvrage pour un homme travailleur. »
« Merci, je vais y aller. Vous nauriez pas un morceau de pain ?
Voilà deux jours que je ne mange plus que des racines et des fruits des
bois. »
Jeanne nétait pas aventureuse, mais elle savait rendre service
à son prochain, lorsque celui-ci le méritait. Et il lui suffit
dune seconde pour se décider.
« Entrez-donc. Il y a bien toujours quelque chose. »
Pendant quil se restaurait de pain de campagne, de fromage et de saucisson,
avec quelques verres de vin, ils parlèrent un peu. De la vie, pas toujours
facile, de leurs vies.
Il revint le lendemain, la remercier et lui dire quil avait trouvé
un emploi chez Germain.
Les jours suivants, il revint régulièrement. Ils discutaient longuement.
Parfois, Piétro coupait du bois, réparait quelques bricoles, rendait
service.
Un jour, étant descendu au village, Jeanne passa le voir, dans la petite
maison quil occupait aux abords du village. Lorsquelle entra, il
ôta précipitamment les lunettes quil avait sur le nez.
« Je lisais, mais entre donc. »
Il tenait à la main, une lettre manuscrite.
« Une lettre de ma femme. La dernière que jai reçue,
voici quinze ans. Je travaillais loin de chez nous. Deux jours après
elle sest noyée dans la rivière, en essayant de sauver notre
fille qui avait glissé dans leau. Depuis, je nai pas pu rester
chez nous. Alors je vais par les montagnes, et je travaille chez les uns, chez
les autres.»
Le lendemain, lorsquil vint la voir, Jeanne le garda pour le repas. Puis il vint souvent manger le soir. Certains disent quil y passe même les nuits, mais qui cela regarde-t-il ?
Et puis un jour, juste avant lhiver, il vint la voir au milieu de la
journée. Elle eut un regard inquiet.
« Je dois partir. Mais je reviendrai, je te le promets. »
« Tu sais, je savais bien quun jour tu repartirais. On ne peut pas
retenir le vent dans ses mains. Mais je te remercie de ce gentil mensonge. »
« Je dois vraiment partir, mais tu verras, je ne suis pas le vent. »
Lhiver se passa, et pour Jeanne cela fut dur et triste comme les hivers précédents, mais aux premiers beaux jours, elle regardait souvent vers le haut de la montagne, du côté du col et du sentier qui en descend.
Et puis un jour, elle vit un homme descendre le sentier. Elle sut tout de suite
que cétait Piétro, et elle resta là, à lattendre
devant la ferme.
« Tu vois, me revoilà. Il fallait que je règle mes affaires,
là-bas, dans mon pays. Et que je dépose des fleurs au cimetière,
pour la dernière fois. »
Ce soir-là, ce fut lui qui prépara le repas. Il avait préparé
quelque chose en cheminant.
Une recette de sa mère.
De son ancien pays. Peut-être lItalie du Nord, ou bien le Tyrol,
la Carinthie, la Croatie ? En tous les cas de ces montagnes rudes et sincères.
« Maintenant cest une recette dici. Puisque cest là
mon pays. »
Jeanne souriait à nouveau, paisiblement.
Lièvre aux raisins secs et au miel.
Pour 6 personnes 1 lièvre de 2,5 kg environ, 4 gros oignons émincés, 250 g de poitrine fumée coupée en lardons, 1 cuillerée à soupe de farine, 100 g de beurre, 4 gousses d'ail en chemise, simplement écrasées, 1/2 litre de vin rouge, 2 cuillerées à soupe de vinaigre de vin, 2 bouquets garnis, 125 g de raisins de Corinthe, 100 g de pignons, 1 zeste d'orange séché, 1 douzaine de grains de genièvre, 1 douzaine de grains de poivre, 2 clous de girofle, 1 petite branche de romarin, 2 feuilles de sauge émiettées, 4 cuillerées à soupe d'huile d'olive, 1 cuillerée à soupe de miel, 1/2 cuillerée à café de cannelle en poudre (ou 1/2 bâton), sel et poivre.
La veille
Dépouillez et videz le lièvre, en réservant le foie et
le sang auquel vous mêlerez une cuillerée de vinaigre pour l'empêcher
de cailler.
Préparez la marinade dans une grande terrine en mélangeant le
vin, le vinaigre, les gousses d'ail écrasées, un bouquet garni,
le poivre en grains, le genièvre, les clous de girofle, la sauge et le
romarin. Mettez le lièvre que vous aurez découpé en morceaux
dans cette marinade, arrosez d'huile et laissez tremper jusqu'au lendemain.
Le lendemain
Faites blanchir les lardons à l'eau bouillante. Au bout de quelques minutes, sortez-les et égouttez-les avant de les faire revenir à la poêle, dans une grosse noix de beurre.
Dès qu'ils sont dorés, ôtez-les et mettez à leur place les morceaux de lièvre soigneusement essuyés. Ajoutez les oignons émincés et saupoudrez de farine. Laissez blondir la farine et versez la marinade. Ajoutez lautre bouquet garni. Laissez cuire 1 heure à petit feu. A part, dans une autre casserole, mettez les raisins secs, le miel, le zeste d'orange et la cannelle. Mouillez-les avec un verre d'eau tiède. Portez à ébullition et laissez frémir ensuite 5 minutes, le temps que les raisins gonflent, et que l'eau réduise. Arrêtez le feu et réservez les raisins au miel.
Hachez le foie et faites-le raidir au beurre chaud quelques minutes avant de l'incorporer à la sauce. Ajoutez le sang, mélangez bien. Laissez cuire le lièvre quelques minutes avant d'ajouter les lardons, les raisins secs et les pignons.
Laissez cuire encore 1 heure à petit feu.
Passez la sauce au tamis. Disposez les morceaux de lièvre sur un plat de service et nappez avec la sauce.
« Dis-donc, Jean ? Dire que je me félicitais de déguster
un excellent risotto, pour enfin avoir une référence, jai
bien peur que ce ne soit pas pour aujourdhui. »
Il faut bien lavouer, ce que je leur avais servi, en accompagnement dun
magnifique lapin en sauce, avait piètre allure. Autant dire même
que le riz avait tendance à coller. Mais cétait bien de
leur faute aussi : traîner plus dune heure à bavasser en
prenant lapéritif, cela force à faire attendre les plats,
et parfois ceux-ci se vengent.
« Et puis de toute façon, vous navez plus faim ! Avec toute ce que nous avons avalé depuis hier, imagine si le risotto avait été bon ? Tu te serais forcé à en manger plus que de raison, et avec ce lapin, puis les fromages ensuite et la fin du chariot de desserts quil faut absolument terminer, je te verrais mal parti .. »
Parce quil est vrai que depuis 24 heures, nous étions à table presque sans interruption.
« Bon, mais cest pas tout, ça, moi je nen peux plus. Excusez-moi si je vous abandonne, mais je vais aller faire une petite sieste. »
Attitude un peu cavalière, bien sûr, mais que lon peut se
permettre entre amis. Etais-je aussi un peu vexé ? Sans aucun doute,
mais une heure plus tard, reposé, il nen restait plus trace. Les
amis étant sortis faire un tour et se dégourdir les jambes, jaidais
ma tendre et douce à ranger et à redonner un peu dordre
au théâtre de nos agapes.
Ils ne rentrèrent que deux heures plus tard, lair réjoui
et le teint revivifié.
« En nous promenant, nous sommes passés devant un champ que séchinait
à bêcher un vieux paysan. Comme nous avions besoin dexercice,
nous lavons aidé. »
« Oh oui ! Et nous avons retourné tout son champ, débroussaillé
les abords et enlevé les grosses pierres encombrantes. Cest maintenant
un terrain magnifique. Mais jai un petit creux maintenant. Il doit bien
rester quelques chose à grignoter ? » dit en souriant la charmante
amie.
Je leur réchauffais donc, avec un petit air goguenard (et un soupçon
de vengeance ) le risotto.
Et ô surprise, ils le trouvèrent pas si mauvais que cela, finalement,
ce risotto un peu collant.
« Non, non ! Pas collant, juste un peu gluant. Un peu comme un riz asiatique
..
Mais il ne restait pas aussi de la fricassée de porc hier soir ? »
Mes affamés, liquidèrent lénorme plat de risotto, ainsi que les 800 grammes de porc restant de la veille et quelques morceaux de lapin. Le plateau de fromages fut nettoyé et le chariot des desserts ne survécut pas non plus.
Comme quoi le grand air donne meilleur goût aux plats.
Fricassée de porc à la genevoise
(Adapté dune recette transmise par Rene Gagnaux)
600 g de viande de porc; par exemple de l'épaule, 2 càs de beurre a rôtir ; sel, soivre, 2 càs de farine; 15 cl de crème fraîche épaisse.
MARINADE
250 g Légumes (carottes, poireau, céleri, oignons), 2 Gousses
d'ail, 2 Feuilles de laurier, 1 Branche de thym, 2 Feuilles de sauge, 2 Clous
de girofle, Grains de poivre, une bouteille de vin rouge léger (Gamay
de Genève
)
Trois ou quatre jours auparavant, couper la viande en morceaux de 2 cm environ. Bien éponger la viande avec du papier. Couper grossièrement les légumes de la marinade, peler l'ail. Mettre le tout avec les herbes et les épices dans une bassine, recouvrir de vin et mettre à mariner à couvert au réfrigérateur pendant 3 ou 4 jours. Retourner la viande une fois par jour.
Sortir la viande de la marinade, laisser la viande bien égoutter.
Porter la marinade a ébullition, avec légumes, herbes et épices,
la laisser réduire au tiers. Passer au chinois, mettre de côté.
Chauffer la matière grasse dans une casserole; assaisonner la viande et la faire revenir par portions. Laisser la viande à égoutter sur du papier.
Remettre la viande dans la casserole, poudrer de farine, faire revenir quelques minutes en remuant. Faire attention que rien ne brûle, sans cela la sauce deviendrait amère! Mouiller avec la marinade réduite, porter juste avant ébullition, couvrir et laisser mijoter à feu doux pendant 45 a 50 minutes. Tourner la viande une ou deux fois.
Sortir la viande, la garder au chaud. Ajouter la crème à la sauce, laisser un peu réduire. Assaisonner avec sel, poivre et marjolaine (à défaut, jai utilisé du curcuma pour vivifier la sauce).
Ce soir-là, comme souvent, Merlin avait abandonné ses vieux grimoires
pour saffairer dans sa vaste cuisine. Il était en train de humer
le contenu dune cocotte lorsquil entendit toquer à la porte
dentrée.
« Entrez donc et rejoignez moi à la cuisine, je suis occupé
! » cria-t-il à limportun.
Ce fut une petite vieille, un peu coquette et bien mise qui le rejoignit.
« Bien le bonjour, Merlin ! »
« Bonjour ma bonne dame. Vous le voyez je suis très occupé,
mais si vous voulez bien vous asseoir et patienter un peu, je vous ferai goûter
ce nouveau plat et vous me direz ce que vous en pensez. »
Tout en disant cela il lui servit un verre de vin blanc et linvita à
trinquer avec lui.
« Mon cher Merlin, à votre âge vous devriez penser à
prendre du repos. »
« Mais ma bonne dame, du repos ? vous ny songez pas. Il faut bien
que jessaie cette recette de joue de buf avant de la faire goûter
dans quelques jours à la Belle Mélusine. »
« Il faudra bien accepter pourtant. Ne savez-vous pas que je suis la Mort
et que je viens vous chercher ? »
Merlin ne parut pas sémouvoir et continuait à soccuper
de sa cocotte. Après avoir rajouté quelques assaisonnements et
semblant satisfait, il se saisit de la cocotte et la déposa sur la table.
« Et bien Madame ma Mort, pour linstant nous allons goûter
ce plat qui ne peut pas attendre. Sentez moi ça ! Et vous verrez bien
que je nai pas le loisir de mourir pour linstant. »
La petite vieille fut un peu décontenancée par cette tranquillité, mais elle finit par sasseoir, car après tout elle avait très faim et les parfums émoustillaient ses papilles.
« Alors ? »
« Mon cher Merlin, ce plat est vraiment excellent ! Cest de la joue
de buf, mavez-vous dit ? Cest étonnant effectivement.»
« Et donc vous comprenez que je ne peux vous suivre aujourdhui,
sans lavoir fait goûter à la Belle Mélusine ! »
« Cest entendu. Je ne me permettrais pas de priver Mélusine
de ce délice. Je reviendrai donc plus tard. »
Lorsquelle revint, quelques temps plus tard, Merlin lui fit goûter
une autre préparation, et encore une fois elle repartit seule.
Et cest ainsi que, de temps en temps, la Mort vient déguster un
petit plat chez Merlin, sans même plus jamais évoquer lidée
de le mettre au repos. Il advint même un jour où, le trouvant légèrement
malade, ce fut elle qui le soigna après avoir à son tour préparé
une de ses recettes à elle.
Finalement, ils ne sont pas pressés, ni lun ni lautre, et tous ces petits plats sont tellement délicieux ..
Joue de buf
Pour 6 personnes; Préparation 30 minutes, cuisson 2h30 mini,
Ingrédients: 1.2 à 1.5 kg de joue de buf, 1 cuillerée à soupe de saindoux, 700 gr de carottes, une dizaine de petits oignons blancs, 1 ou 2 gousses d'ail,1grand verre de vin blanc, 1 petit verre de Cognac, 1 bouquet garni, sel, poivre.
Préparation:
Faites étuver les oignons tranchés et les carottes coupées
en rondelles. Dans un cocotte, faites dorer la joue de buf dans le saindoux,
sur toutes ses faces.
Ajoutez les oignons et les carottes, lail et le bouquet garni. Mouillez
avec le vin blanc coupé par moitié d'eau. Salez, poivrez, couvrez..
Faites mijoter à tout petit feu (ou au four) pendant 2 heures au moins.
Plus la cuisson sera douce et longue, meilleure sera la viande.
Enlevez le bouquet garni et ajoutez un petit verre de Cognac qui renforcera
les arômes.
Gardez à tout petit feu, jusqu'au moment de servir.
Vous pouvez accompagner de pommes de terre à l'anglaise ou de cardons
au jus.
Adaptation dune recette de Georges MOREAUX.