Depuis que je fais de temps en temps le grand chambardement dans ma cuisine sous prétexte de faire un plat dont on me dira des nouvelles, je rêve de recettes faciles faciles, vite faites et peu coûteuses, en particulier avec les blancs de poulet.
C'est vrai qu'on en trouve en grande surface à bas prix et de bonne qualité. Mais toujours sautés... ras le bol.
Alors voilà le BLANC DE POULET A L ORANGE EN DIX
MINUTES CHRONO.
Avec ma sauteuse (c'est ma casserole, pas de sous-entendus grivois) je fais fondre un peu de beurre, je fais revenir les blancs à feu vif pour les colorer. Je retire du feu. A l'aide d'une seringue j'injecte du Cointreau au cur de la viande. Je la passe une
minute au micro-onde. C'est déjà fini ! et je me régale.
Je peux aussi fournir les explications
physico-chimiques, mais seulement sur demande.
A l'affiche la semaine prochaine :
Le mystère de la liaison à l'uf.
Amicalement,
Jean
Le mystère de la liaison à l'ufLa liaison à l'uf semble avoir été inventée au XVIIème siècle, mais son principe reste encore bien mystérieux, même si sa réalisation est simplissime, au moins dans son principe : dans une solution aqueuse aromatique froide ou tiède, on ajoute des jaunes d'ufs et l'on fouette en chauffant; progressivement la solution épaissit.
Ainsi faite la préparation est délicate, car si l'on
fouette insuffisamment ou si l'on chauffe trop, c'en est
fini de la belle viscosité et du satiné apporté par
les ufs : les grumeaux apparaissent: manifestement
les protéines des jaunes d'ufs ont coagulé.
Les bons cuisiniers savent éviter ces grumeaux : en
ajoutant une pincée de farine au mélange, ils
parviennent à tant stabiliser la préparation qu'ils
peuvent la porter à ébullition sans qu'elle tourne.
Comment cette quantité minime de farine agit-elle ?
On suppose que l'amidon de la farine se dissout
progressivement dans la sauce : ses longues molécules,
très encombrantes, empêcheraient les protéines du
jaune de s'agréger, en même temps qu'elles
apporteraient une viscosité analogues à celles dont
elles sont responsables dans la béchamel ou dans les
autres sauces liées à la farine.
(extrait du livre d'Hervé This, Les secrets de la
casserole, ed. Belin,
123.50 F à la FNAC)
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Jean
La mayonnaise est une émulsion, c'est à dire une dispersion de gouttelettes d'huile dans de l'eau, apportée par le jaune de l'uf et éventuellement par du vinaigre, de la moutarde ou du jus de citron.
Vous prenez un bol où vous versez de l'huile, puis de l'eau : l'eau plus lourde reste en dessous, l'huile plus légère au-dessus. Vous aurez beau fouetter des heures, l'huile remontera toujours au dessus de l'eau.
Les molécules d'eau (H2O) ne se mélangent pas avec les molécules d'huile (lipides) composées principalement d'atomes de carbone et d'hydrogène.
Comment fait-on alors la mayonnaise ?
En ajoutant des molécules "entremetteuses"
qui ont une affinité à la fois pour l'huile et pour
l'eau. Ces molécules "tensio-actives" que l'on
trouve dans le jaune d'uf ou la moutarde servent à
enrober des gouttelettes d'huile par contact avec leurs
parties hydrophobes communes et à disperser ces
enrobages dans l'eau en se liant aux molécules d'eau par
leur partie hydrophile.
Si l'on met trop d'huile pour la quantité de jaune employée, la mayonnaise se décompose. Et pourtant, on peut parvenir à faire jusqu'à 24 litres de mayonnaise avec un seul jaune !
Puisque les gouttelettes d'huile enrobées par les tensio-actifs se mélangent bien avec l'eau du jaune, il suffit de rajouter de l'eau à mesure que l'on ajoute de l'huile.
Pas trop quand même : pour chaque tasse d'huile, deux
ou trois cuillères à café d'eau.
La mayonnaise peut tourner : les gouttelettes d'huile se mélangent les unes aux autres et se séparent de l'eau. Cela survient quand les ingrédients sont trop froids ou qu'on a mis trop d'huile.
Il est généralement conseillé de recommencer une mayonnaise en utilisant ce mélange comme s'il s'agissait d'huile.
Mais on peut aussi ajouter de l'eau et battre très
vigoureusement. On économise un jaune d'uf !
(extrait du livre d'Hervé This, Les secrets de la casserole, ed. Belin,
123.50 F à la FNAC)
La semaine prochaine, nous changeons de livre,
promis-juré.
Jean
Nous allons provisoirement quitter la physico-chimie
pour explorer une bible culinaire : "La Bonne
Cuisine" de Madame de Saint-Ange, édité par
Larousse en 1927, réédité en 1994 toujours par
Larousse.
Les ufs en cocotte à la crème
Le véritable uf en cocotte d'origine n'est pas autre chose qu'un uf poché directement dans la crème.
Les cocottes dont on fait usage sont de dimensions établies pour un seul uf. Elles sont en faïence ou en porcelaine : soit entièrement blanches, soit brunes à l'extérieur, et pourvues d'un petit manche.
On compte à l'ordinaire une cocotte par personne; mais, dans un déjeuner de famille au menu un peu court, on peut en compter deux.
La crème est prise plutôt légère, c'est-à-dire
liquide, que trop épaisse, et d'absolue fraîcheur; on
compte une forte cuillerée par uf.
Cinq minutes à l'avance, posez les cocottes sur un coin du fourneau, pour qu'elles soient bien chaudes au moment d'y casser les ufs.
Mettez la crème dans une petite casserole et faites-la bouillir sur feu pas trop vif, pour qu'elle ne risque pas de brûler.
Rangez les cocottes, chauffées, dans une vaste casserole sautoir. Dans chaque cocotte, mettez une cuillerée de crème bouillante. Cassez les ufs et déposez en un dans chaque cocotte. Saupoudrez de sel. (L'uf, ainsi
saisi par la chaleur de la crème et de la cocotte, cuit en restant moelleux). Dans chaque cocotte, ajoutez deux parcelles de beurre, grosses comme des poix.
Au moyen d'un entonnoir, versez dans la casserole assez d'eau vraiment bouillante pour atteindre à mi-hauteur des cocottes. Couvrez toute la casserole d'un grand couvercle. Mettez-la au four de chaleur assez forte pour maintenir l'eau frémissante, sans ébullition déclarée.
Si les cocottes sont en porcelaine mince, les ufs sont à point au bout de 6 à 7 minutes. Avec des cocottes en faïence épaisse : 2 minutes de plus.
L'uf à point doit présenter son blanc légèrement solidifié, avec le jaune à même consistance que celle d'un uf poché en plein liquide.
Servez vivement.
Ne faites pas comme moi : débrouillez-vous pour qu'on vous téléphone avant de démarrer le plat, ou après. J'étais sur INTERNET avant, et j'ai pensé à rebrancher la ligne en partant en cuisine.
Et donc ELLE a enfin réussi à me joindre au moment délicat de la recette.
Ca m'a fait énormément plaisir : il n'y a pas que la cuisine dans la vie.
N'empêche que les ufs étaient trop cuits.
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Jean
Nous restons cette semaine avec Madame Saint-Ange,
pour la purée de pommes de terre.
Pour être réussie, la purée doit avoir la légèreté et la finesse d'une crême fouettée dont les flocons se dressent en pyramide.
Les règles absolues :
1 Employer l'espèce de p.de t. appropriée : grosse Hollande.
2 Effectuer la cuisson dans le délai juste nécessaire au point de cuisson.
S'il est dépassé, la p.de t. absorbe trop d'eau, se désagrège,...beurk.
3 Procéder au passage immédiat des p.de t. au tamis métallique; tout autre ustensile ne procure pas un résultat satisfaisant : la p.de t. y refroidit, et dès lors il n'y a pas de bonne purée.
4 Travailler la purée avec du beurre, avant toute addition de lait. Ce travail doit être rapide et vigoureux à l'excès : au point d'en avoir le bras mort et de s'en ressentir encore une heure après.
5 Servir la purée aussitôt terminée
Passons les premières étapes. Les p.de t. sont cuites et passées au tamis.
Bien vite, à l'aide d'une large cuillère de bois, triturez, remuez vigoureusement la purée dans la casserole posée sur le côté du fourneau, afin de maintenir la purée aussi chaude que possible; elle blanchit sous l'action du travail de la cuiller.
Assaisonnez-la de sel fin, poivre blanc, un rien de muscade râpée, et ajoutez-y le beurre divisé en trois ou quatre morceaux pour rendre son mélange plus rapide. Travaillez la purée, non pas en la tournant, mais en la battant, en la soulevant pour lui faire absorber l'air qui la rendra légère.
En tout dernier lieu seulement, et toutes traces du beurre ajouté ayant absolument disparu, ajoutez trois cuillerées du lait bouillant. Battez de nouveau pour faire absorber ce lait par la purée rendue de plus en plus neigeuse par le travail de la cuiller.
Ajoutez encore, en deux fois, 6 cuillerées, toujours en battant à tour de bras entre chaque addition de liquide.
Notez aussi que ce n'est point le lait même, mais bien la facilité qu'il procure pour le travail de la cuiller, et l'action surtout de la cuiller, qui rendent la purée mousseuse.
Finalement, et sans cesser de la travailler, faites-la
bien chauffer, sans aller jusqu'à l'ébullition qui
dénaturerait l'effet du beurre.
C'est quand même autre chose que les flocons en
boîte.
La semaine prochaine, nous reviendrons à la
physico-chimie culinaire, avec pourquoi pas la purée de
pommes de terre.
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Jean
Réaction de MAILLARDCette réaction chimique est celle qui engendre les composés bruns, aromatiques et sapides de la cuisson.
Son principe est simple, et nous la pratiquons sans cesse : dès que les molécules contenant un groupe chimique amine NH², tels les azotes aminés de toutes les protéines, sont chauffés en présence de sucre, une molécule
d'eau est éliminée et les deux réactifs sont liés en un produit dit "d'Amadori", qui réagira avec d'autres composés pour former des molécules cycliques "aromatiques".
Or ces cycles aromatiques confèrent des propriétés aromatiques aux composés qui les contiennent; certains ont en outre une couleur soutenue.
Le brun que le cuisinier recherche en faisant sauter ses morceaux dans un corps gras est ainsi une couleur produite par la réaction de Maillard : aux hautes températures atteintes par le corps gras, la réaction a lieu, tandis
qu'elle s'effectue peu quand on fait bouillir les aliments, la température étant alors limitée à la température d'ébullition de l'eau : 100 degrés.
Recherchons-donc, lors des cuissons, les associations sucres-protéines.
Chauffons vivement d'abord, pour que la réaction ait
lieu, puis plus prudemment ensuite, de façon que la
cuisson proprement dite s'effectue, sans que les
composés volatiles en soient éliminés.
DERNIERE MINUTE
Les biochimistes de Nantes et de Bristol ont fait une découverte importante, passée inaperçue du monde médiatique, montrant que les graisses participent à la réaction de Maillard.
Les produits primaires d'Amadori se renferment sur
eux-mêmes en anneau, pour former des molécules
aromatiques. Si des graisses sont présentes, elles
réagissent chimiquement avec les composés d'Amadori, et
enrichissent le spectre aromatique.
Ah que c'est bon !
Jean
La semaine prochaine, si je résiste au désir, je
vous parle du beurre clarifié.
Les ufs aux plats en 1 heure.Pour faire de bons ufs aux plats, il faut comprendre : un uf sur le plat est réussi quand il est cuit de façon homogène, quand tout le blanc est coagulé, sans partie glaireuse ni partie carbonisée.
Le mauvais cuisinier prend une poêle au hasard, le blanc se dispose autour du jaune en formant une sorte de marche, avec une couche épaisse autour du jaune, et une marche plus mince.
Cette disposition est gênante, car la partie plus mince cuit plus vite que la partie épaisse, de sorte qu'elle est trop cuite, et donc caoutchouteuse, quand la partie centrale du blanc est encore glaireuse.
Si le problème n'était que d'épaisseur, passe encore, mais la température de coagulation du blanc central est supérieure de quelques degrés à la température de coagulation du blanc périphérique; autrement dit, le blanc
qui jouxte le jaune cuit plus difficilement que le blanc périphérique. Pourquoi cette différence de température de coagulation ? Parce que les deux parties ne sont pas constituées des mêmes protéines.
Les protéines sont des molécules analogues à des pelotes, que la chaleur déroule; elles coagulent, parce qu'une fois déroulées, les atomes qui étaient liés et qui ont été séparés par la chaleur tendent à se réunir; les molécules adjacentes s'associent. Simultanément l'eau qui était liée aux protéines s'évapore. Voilà pourquoi le blanc trop cuit est caoutchouteux : l'eau qui faisait moelleux s'en est allée.
Non content de proposer des ufs à la cuisson
irrégulière, le mauvais cuisinier sale et poivre les
ufs en dispersant le sel et le poivre partout sur
l'uf. C'est une erreur, car le sel, en captant
l'eau du jaune, le "cuit", ce qui apparaît
sous la forme de petites taches sombres et indésirables.
La semaine prochaine : les ufs au plat du bon
cuisinier
Jean
p.s. j'attends toujours les commentaires...La messagerie INTERNET, ce n'est pas comme lire passivement le journal : on peut être actif, répondre, écrire, proposer, dire....
A vos claviers, ou bien j'arrête !
Mais pas tout de suite, il faut quand même que je
finisse le feuilleton des ufs au plat.
A+
les ufs au plat du bon cuisinier
Dans un plat de faïence ou de fonte de diamètre à peine supérieur au double de celui de l'uf (soit 15 cm), déposez une noix de beurre clarifié que vous avez fondu. L'avantage du beurre clarifié est qu'il ne noircira pas puisqu'il supporte d'être chauffé jusqu'à 190 ° sans se décomposer.
Laissez le beurre fondu refroidir et cassez un
uf par petit plat.
Salez seulement le blanc qui entoure le jaune; surtout
pas le jaune ni la périphérie du blanc. Le sel en effet
"cuit" le jaune en absorbant localement l'eau
et en faisant coaguler les protéines. Par contre, il
faut saler le blanc entourant le jaune, car ses
protéines cuisent plus difficilement; la coagulation
provoquée par le sel facilitera la cuisson et nous
obtiendrons une cuisson plus homogène.
Poivrez régulièrement au poivre blanc, afin
d'éviter les petites taches noires sur le blanc des
ufs; blanc sur blanc c'est plus joli.
Laissez reposer pendant une minute, puis cuisez au four à feu très doux.
Dès que le blanc est opaque, servez.
Ainsi cuit au four, l'uf est de consistance uniforme : il est assez solide pour qu'on puisse le prendre à la fourchette, mais il reste crémeux.
Le jaune est recouvert d'un léger voile blanc. Au
total, on obtient l'effet recommandé par Madame
Saint-Ange (tiens la revoilà ! ) : "Le jaune encore
coulant, quoiqu'épaissi, recouvert d'un léger voile
blanc qui le fait miroiter, d'où la vieille appellation
d'uf 'au miroir' ".
A l'écran la semaine prochaine : ............(je sais
pas encore)
Pourquoi j'ai raté mon soufflé de potiron.Suite à
l'insistance de certaines lectrices, j'ai poursuivi mes
expériences de courge-potiron.
J'ai fait fondre le beurre à feu doux afin de libérer les gouttes d'eau dispersée dans la masse grasse.
J'ai incorporé la farine : les grains d'amidon en absorbant l'eau résiduelle ont libéré quelques unes de leurs molécules et en gonflant ont formé une pâte homogène liée à la matière grasse. (ce qu'on appelle un roux blanc)
J'ai mouillé avec le lait froid en battant le tout rapidement avec le fouet. J'ai ainsi dissous certaines molécules d'amidon et fait gonfler les grains d'amidon en immisçant le lait entre les molécules d'amylopectine. La graisse est naturellement émulsionnée lors de cet ajout par les caséines du lait.
Sel, poivre et muscade.
Hors du feu, j'ai ajouté les jaunes d'ufs.
Puis j'ai intégré la purée de potiron, cuit sans eau, bien égoutté.
J'ai battu bien ferme les blancs d'uf, avec la pincée de sel. Je les ai incorporés délicatement à ma préparation, brièvement, afin d'éviter que la dispersion des bulles d'air dans l'eau des blancs ne soit pas perdue.
J'ai versé le tout dans mon moule à soufflé,
beurré et fariné avec soin. Et mis au four doux, 200
degrés (th6) pendant 25 minutes.
Il a pas monté !
C'était cuit, goûteux, mais pas monté. Et c'est
quand même aussi cela que l'on attend d'un soufflé.
Alors, où est l'erreur ?
Jean
Comment ne plus rater mon soufflé.
Aucune des étapes ne doit être réalisée avec
désinvolture.
Le roux doit être bien cuit.
Les jaunes ne doivent être ajoutés à la préparation qu'après refroidissement et hors du feu : autrement ils cuisent.
Les blancs doivent être battus très fermes.
Le mélange final doit être précautionneux mais suffisant : le soufflé doit contenir une grande quantité de bulles d'air très petites.
Madame Saint Ange préconise d'ailleurs de le faire en 2 étapes.
"Prenez environ le tiers des blancs et mettez-les dans la casserole. En vous servant d'une spatule ou d'une cuillère de bois à large tête, mélangez ces blancs dans la bouillie, et à fond : c'est-à-dire jusqu'à ce que bouillie et blancs ne fassent plus qu'un. Ce qui a pour but de faciliter le mélange du reste des blancs, en ramollissant d'abord la bouillie.
Ajoutez alors le reste des blancs comme indiqué pour
leur mélange". (c.à.d. avec précaution et
doigté).
En tout état de cause, l'important c'est que tout le travail doit être réalisé consciencieusement, avec doigté et précision.
Autrement dit avec la ferme intention permanente de
bien-faire et de parvenir au but recherché : les
félicitations des invités lorsque vous le servez.
Il faut donc qu'il y ait des invités, à qui l'on
veut faire plaisir. C'était ça la grosse erreur.
Jean