Chronique 11 (10/11/97)

Le beurre clarifié. Enfin l'explication.

Prenez une poêle, déposez du beurre et faites chauffer.

Il fond, brunit, crépite, puis noircit et charbonne. Il est brûlé.

Il ne reste plus qu'à laver la poêle.

Et recommencer en pensant à ralentir le feu au bon moment, mais il devient peu facile de provoquer la réaction de Maillard !

Le beurre est composé de lipides (les matières grasses), d'eau (environ 10%) et de caséine, protéine venant du lait. Lorsqu'il est chauffé, d'abord la caséine coagule (vers 45°), puis le beurre rend son eau en crépitant (à partir de 65°), puis la caséine coagulée carbonise (vers 120°), et en plus elle favorise la décomposition des lipides du beurre.

Ne pourrait-on pas se débarrasser de ces caséines ?

Si, et cela s'appelle du beurre clarifié.

Il suffit de placer du beurre dans une casserole et de chauffer doucement pendant 30 minutes.

Le beurre va se dissocier en plusieurs parties : la caséine a coagulé et précipité, c'est-à-dire qu'elle reste au fond, en une couche trouble. Au-dessus une couche limpide est composée de la matière grasse purifiée. Il peut arriver qu'une légère couche de mousse surnage : vous la jetez.

Vous laissez gentiment décanter et vous récupérez la couche limpide en la versant doucement dans un bocal de verre fermant hermétiquement. Vous laissez refroidir et vous voilà avec une petite provision de beurre clarifié.

A vous aussi maintenant les grillades au goût de beurre et non plus de charbon grillé !

Jean

Chronique 12 (16/10/97)

Mon boucher avait un beau rôti.

Il m'a fait envie ce rôti dans le filet; il était beau, plein de vigueur, aimable et bien coloré.

Et ensuite, comment le cuire et bien en profiter ?

Un bon rôti : sa surface doit être croustillante et de couleur brune, signe non pas de choix esthétique ou raciste, mais que des molécules savoureuses se sont formées par les réactions de Maillard, et l'intérieur doit rester parfaitement juteux, tendre.

Pour avoir une surface croustillante, il faut assécher la surface : le four doit être chaud, mais pas au point de faire charbonner la viande. En aucun cas, il ne faut remettre un liquide contenant de l'eau sur la viande qui rôtit :: cette eau, en s'évaporant, absorberait de la chaleur et refroidirait la viande: elle gênerait la réaction des réactions de Maillard et elle amollirait le croustillant, qui n'est autre qu'une zone dont l'eau a été éliminé. Utilisez de l'huile ou du beurre clarifié fondu, à l'aide d'un pinceau par exemple.

Pour obtenir une bonne tendreté, avec une bonne dissolution du collagène qui fait la dureté de la viande et avec une perte minimum de jus, il suffit de cuire à température à peine supérieure à 65 degrés. Bien entendu la cuisson est considérablement allongée.

Le Comte Rumford, créateur de la Royal Institution et époux de la veuve du chimiste Antoine-Laurent de Lavoisier, avait étudié ce type de cuisson, qui respecte la jutosité parce que la température n'atteint jamais des valeurs telles que les protéines de la viande coagulent trop et, en contractant la viande, expulsent les jus.

Naturellement, vous ne dégusterez pas le rôti dès sa sortie du four, mais vous le laisserez reposer, four éteinte et porte ouverte. Ceci afin de permettre au jus de se répartir de la zone centrale vers les parties périphériques d'où il a été évaporé, mais aussi afin de le laisser cuire un peu plus à basse température.

Pourquoi d'ailleurs ne feriez-vous pas l'expérience de rôtir à four très vif, pour les réactions de Maillard, puis d'éteindre le four et d'attendre une nuit avant de manger votre rôti que vous réchauffez juste avant de le servir, au petit - déjeuner ?

Vous vous rapprocheriez ainsi du procédé de Rumford, ainsi que des recettes traditionnelles telles que le gigot d'onze heures.

Jean

Chronique 13 (23/11/97)

Cuisson du poivre .

Les grands chefs prescrivent toujours de ne mettre le poivre dans une sauce que moins de 8 minutes avant la fin de la cuisson.

Quelle idée ! Mais pourquoi ?

Au cours de la cuisson, les parfums subtils et piquants du poivre se dissolvent les premiers. Si l'ébullition se prolonge au-delà de 8 minutes, non seulement ces parfums s'évaporent mais le poivre dégage alors ses

tannins. La sauce que vous préparerez aura un goût amer.

Cette chronique est courte à cause d'expériences en cours : je me suis lancé dans l'étude du braisage.

Mais pour terminer une petite anecdote :

On raconte qu'un oenologue, goûtant des vins les yeux bandés, se vit servir un verre d 'eau à son insu : "Hum ! Ca n'a pas beaucoup d'odeur ni de goût.

Je ne parviens pas à l'identifier, mais je peux vous assurer que ça ne se vendra pas".

Jean

Chronique 14 (30/11/97)

La dinde de Noël.

Le calcul du temps de cuisson est primordial pour obtenir une viande juteuse et tendre, car la dénaturation du collagène et la coagulation des protéines des muscles (actine et myosine) ont lieu à des températures et à des vitesses différentes.

On doit savoir que la température de 70 degrés est indispensable pour transformer le collagène en gélatine et attendrir les muscles.

Toutefois, plus la dinde reste longtemps à haute température, plus elle perd d'eau et plus ses protéines risquent de coaguler, s'assécher et durcir.

Le temps optimal de cuisson, par conséquent, est le temps minimal pour que la température atteigne 70 degrés au centre de l'animal.

Le problème ainsi défini se simplifie. Il suffit de faire un calcul faisant intervenir le coefficient de diffusion thermique, le rayon de la dinde, la température dans la dinde et celle du four.

Ou bien plus simplement, en utilisant la relation de Fick, qui stipule que le temps de chauffage (t) pour obtenir une température donnée (t0) est proportionnel au carré du rayon, et comme la masse (M) d'une sphère est proportionnelle au cube de son rayon, on peut appliquer la formule simple :
t = (M/M0)²/3 t0
Sachez néanmoins qu'un gastronome moléculaire de Bristol, physicien au demeurant, a calculé les valeurs suivantes : à 180 ° une dinde de 5 kgs doit cuire 2 heures 25 minutes

une dinde de 7 kgs doit cuire 3 heures

à 160 ° une dinde de 5 kgs doit cuire 3 heures 35 minutes

une dinde de 7 kgs doit cuire 4 heures 30 minutes

Sachez encore qu'il n'est pas question d'ouvrir la porte du four : la vapeur qui s'est dégagée en quantité limitée pourrait s'échapper et être ensuite remplacée par vaporisation d'une certaine quantité de jus :

Ouvrir la porte assèche la dinde.

Bon appétit à tous.

P.S. d'autres auteurs donnent des indications de temps différentes, des chaleurs différentes : l'un dont je tairai le nom va même jusqu'à se contredire d'une recette à l'autre.

Certains conseillent aussi d'arroser régulièrement la bête et Madame Saint Ange précise même qu'il ne faut pas pour cela utiliser le jus écoulé mais de la graisse fondue préparée pour cela.

Aléa jacta est

Chronique 15 (6/12/97)

Petite entrée pour les fêtes.

Dans un grand récipient, délayez 60 g. de farine dans 10 cl. de lait, puis ajoutez 3 œufs entiers, 25 g. de beurre fondu, une pincée de sel en mélangeant bien entre chaque opération.

Quand la préparation est bien homogène, laissez reposer 2 heures et allez vous occupez ailleurs.

On peut en faire des choses en 2 heures !

Dans une petite poêle de 12 cm. (environ) faites fondre une larme de beurre, puis versez un peu de votre préparation. Vous êtes en train de faire une petite crêpe. Faites en une trentaine. Elles ne doivent être ni

trop fines, ni trop épaisses.

Dans le milieu de chaque crêpe, déposez une petite cuillère à café de caviar et une pointe de crème fraîche. Relevez alors les bords et fermez délicatement avec un brin de ciboulette de façon à former une petite

bourse; soyez patient et délicat, car vous risquez d'en briser une certain nombre.

Au moment de servir, il est très important que ces petits objet fins et délicats soient très chauds. Passez-les 2 minutes à four moyen (180° th.4-5), le temps de les réchauffer, et mangez-les en une seule bouchée.

Accompagnez-les d'un verre de champagne ou de Bourgogne blanc, Chablis ou Meursault, ou même de Loire, Muscadet ou Sauvignon.

Franchement c'est un délice !

Jean

Chronique 15 bis (6/12/97)

Bande de veinardes, vous avez droit cette semaine à un supplément.

Devinette : je suis en train de me faire un petit mitonné.

J'ai d'abord fait suer la viande.

Ensuite j'ai ajouté du vin blanc et fait tomber à glace.

Puis j'ai ajouté mon bouillon de fond de volaille. (je n'avais ni fond de veau, ni fond de bœuf).

De quel plat vais-je me régaler ?

La première qui trouvera la bonne réponse, date du message e-mail faisant foi, gagnera une invitation à déguster le délice de la semaine prochaine.

Il est évident que les individus mâles (ou assimilés) n'ont pas le droit de concourir.

Jean

P.S.

Givors, vendredi 5 décembre, 17 heures 30. Après avoir vaillamment travaillé, déplacé le serveur GF, dépanné quelque imprimante, décoincée une charmante utilisatrice, réglé 36 conneries, Michel et moi soufflont un peu.

On se met à parler bouffe, et de fil en aiguille la conversation tombe sur la sauce grand veneur. Je soutiens qu'il faut ajouter à la fin une cuillère ou deux de gelée de groseille, il ose me soutenir le contraire.

"Je t'amènerai la BIBLE de la cuisine et tu verras !" dit-il, sûr de lui.

"Et c'est quoi, ta BIBLE ?" rétorquais-je, déjà narquois.

"Madame Saint-Ange ! Ah Ah"

J'en suis encore bouche bée.

Michel, c'est un bon.

Je m'en doutais d'ailleurs, vu son attitude en informatique et avec les utilisateurs-trices.

Mais quand même, ça surprend.

(et en plus, c'est vrai Mâme Saint Ange ne met pas de gelée de groseille dans la sauce grand veneur, elle ne fait que conseiller d'en servir à part.

Moi je trouve que ça améliore encore.)

Chronique 16 (14/12/97)

Suite des Agapes

Employées surtout pour leur extraordinaire pouvoir de sapidité, les truffes se servent aussi en légumes ou hors d'œuvre chaud.

La dénomination courante, nous explique Madame Saint-Ange, de "truffes à la serviette" ou "truffes au champagne", "au madère", s'applique en fait à un même apprêt qui peut se résumer ainsi : les truffes sont cuites avec une petite mirepoix d'oignon, carotte, échalote, etc., passée au beurre, et l'un des vins ; leur liquide de cuisson est ensuite passé, réduit, additionné de jus de veau et constitue la sauce.

RECETTE :

Proportions : pour 700 grammes de truffes : une petite mirepoix avec 30 g. de carottes et autant d'oignon, 25 g. d'échalote, laurier, thym, 2 queues de persil, 40 g. de beurre.

4 dl de Champagne, 25 g. de jus de veau ou glace de viande.

Dans une petite casserole haute, juste assez grande pour contenir ensuite les truffes entassées, faire doucement revenir la mirepoix, hachée plutôt que taillée, pour l'obtenir aussi fine que possible.

Ajouter ensuite les truffes, le vin, sel et poivre. Les couvrir d'une mousseline pliée en quatre et d'un couvercle. Laisser cuire très doucement. Compter une vingtaine de minutes pour de grosses truffes (70 g.) ou 12 à 15 pour de plus petites, mais compter en alors 2 par personnes.

Bien débarrasser ensuite les truffes de toute trace de mirepoix.

Passer le liquide de cuisson au chinois fin. Le faire bouillir pour le réduire de moitié. Hors du feu, y faire dissoudre du jus de veau.

Les truffes sont dressées en timbale avec la sauce servie dessus.

Comment ça revient cher ?

Eh bien, faites des carottes !

Chronique 17 (21/12/97)

Puisque les dernières chroniques m'ont attiré des remarques acerbes, concernant des concepts aussi vulgaire que argent, prix, coût, etc. je rejette la tentation de vous parler des escalopes de foie gras et autres succulences. Et plus prosaïquement, voici
Le beurre clarifié, le retour.
Lors de la chronique 11, je vous avais expliqué tout l'intérêt du beurre

clarifié, ainsi que la méthode pour l'obtenir. (allez voir dans vos archives)
Cette méthode traditionnelle est je l'avoue fort délicate : il m'est arrivé à moi aussi, de ne pas rester suffisamment présent devant la casserole et

de devoir jeter mes 250 g. de beurre brûlé.
En voici une autre, plus moderne et plus sure, expérimentée hier même pour vous.
J'ai pris un ustensile en Pyrex transparent, ressemblant fortement à l_l. J'y ai placé une plaquette de beurre de 250 g. coupée en morceau (marque Carrefour). Placé au micro-onde puissance maxi 3 mn. (micro-onde marque Moulinex puissance 800 w) J'ai laissé décanté une bonne demi-heure et là j'ai vu, de mes yeux vu, le résultat suivant : Sur le dessus, une fine couche de mousse blanche. (1 mm) Sur le dessous, une couche fine blanchâtre. (2 mm) Entre les deux le beurre fondu. Délicatement, avec une cuillère et une petite passoire j'ai ôté la couche d'écume. J'ai encore laissé reposer un moment. Puis j'ai délicatement versé dans un bocal, en évitant de faire s'écouler la couche du dessous.
J'ai refermé mon bocal et l'ai placé au réfrigérateur : j'ai un bocal de beurre clarifié.

Chronique 18 (28/12/97)

Suite à une panne technique indépendante de notre volonté, notre chronique vous parvient avec un léger retard, ce dont nous excusons.
Afin de rester dans la nouvelle optique, je vais vous parler des carottes.
Plante potagère, de la famille des ombellifères, cultivée pour sa racine comestible rouge-orangé, la carotte est l'un des légumes les plus consommés en France, après la pomme de terre. Elle contient beaucoup d'eau, et fournit 42 Kcal pour 100 g.; elle est riche en sucre, en sels minéraux, en vitamines (provitamine A surtout) et en pectine; elle contient en outre un pigment, le carotène.
Il faut signaler d'ailleurs, à ce sujet, que c'est ce même carotène, présent dans les foins, qui, ceux-ci ayant été coupés, sous l'effet de la chaleur du soleil, dégage de l'ionone (C13H2O0), molécule aromatique qui parfume la campagne.
Les Anciens reconnaissaient à la carotte des vertus nutritives et la vertu thérapeutique de renforcer l'acuité visuelle, mais ils ne l'appréciaient guère comme légume. Jusqu'à la Renaissance, d'ailleurs, elle n'avait qu'une racine jaunâtre et coriace, au cœur lignifié. Sa teinte orangée ne date que de la fin du XIXème siècle.
Recette : Eplucher 800 g. de carottes et les émincer en fines rondelles. Les mettre dans une sauteuse et les recouvrir juste à hauteur d'eau, additionnée de 6 g. de sel et d'une grosse pincée de sucre. Cuire à feu doux jusqu'à ce que tout le mouillement soit absorbé. Présenter votre merveilleux plat parsemé de petites parcelles de beurre et de persil ciselé.
Bon appétit.
La semaine prochaine : le navet. Patience !
Jean