Chronique 39 (10/5/98)

Cette semaine, parce que c'est le printemps et que la vie est belle et qu'il faut en profiter (il suffit de penser à ceux qui nous ont quitté), je veux vous faire part de quelque lecture suave.
Une charmante amie, subjuguée je l'avoue par mes charmes et talents, m'a prêté un livre subtilisé à sa mère : "Petit traité romanesque de cuisine "de Marie Rouanet.

Une lecture délicieuse, pleine de saveurs terriennes, de souvenirs bucoliques enchanteurs. Marie Rouanet entremêle odeurs, saveurs, souvenirs d'enfance, racontars d'autrefois et petits paysages faits de cueillettes et de pêches au petit jour.

"L'ail frotté sur un pain rassis, lui-même frotté de tomate et arrosé d'huile d'olive. C'est un goût délicieux, un repas délicieux accompagné de charcuterie. J'allais dire hors d'oeuvre, mais comme après on n'a plus faim...
Pour le matin, préparez-vous un déjeuner tonique : la veille au soir écrasez
deux gousses d'ail, un peu, de persil et quelques gouttes d'huile d'olive et faites-en le lendemain une tartine.
Ah ! c'est moins distingué que la confiture "light" sur une biscotte accompagnée d'un thé sucré à l'aspartam ! mais cela réjouit les papilles et partant cela euphorise. Vous craignez que votre haleine sente l'ail ?
D'abord, mieux vaut cette odeur que celle des mauvaises digestions, ensuite croquez un grain de genièvre et ne nous ennuyez plus."
"Avec l'aillet, en juin, préparez une omelette. Le plus délicat est de faire "fondre" l'ail pelé à feu si doux qu'il ne prenne pas couleur. D'ailleurs, il y a une astuce : le faire cuire avec la peau écailleuse dans laquelle il est bien protégé, le sortir comme on presse un tube de dentifrice, et là le mêler à l'oeuf battu - et toujours une goutte de lait dans les omelettes."

Et puis de toute façon :
En Russie absorber 3 à 4 fois par jour une gousse d'ail hachée dans du lait ou de l'eau chaude constitue une cure préventive entreprise en automne contre les rhumes, contre la bronchite asthmatique et bien d'autres maux. En effet selon les babouchkas qui n'en démordront pas, l'ail, véritable " bulbe de vie ", traite la bronchite, l'asthme, la coqueluche, les coliques néphrétiques, l'hydropisie. Il combat aussi les maux de tête, notamment ceux qui sont liés à la sinusite, l'insomnie, les douleurs articulaires, les rhumatismes, la goutte, la sciatique, la constipation, les problèmes hépatiques, les bouffées de chaleur, les vertiges, les accès d'étouffement, les allergies. Il prévient le scorbut. Il soulage aussi les diarrhées, la fièvre, la dysenterie. Il combat l'hypertension, l'artériosclérose et enfin, il stimule l'activité des glandes génitales.
Vous voyez, il n'y a pas que ma maman qui le dit !

Jean

Chronique 40 (17/5/98)

" Rien dans la nature n'égale le velours où est couchée la fève. Rien n'est mieux protégé que cette graine, car en plus du capitonnage moelleux de la cosse, elle est entourée au plus juste d'une peau lisse et serrée. Tout a été prévu pour l'esthétique : ce même vert à peine nuancé de la feuille au fruit ; tout a été prévu pour son confort, jusqu'à cette sorte d'amortisseur : la caroncule, par laquelle elle est suspendue. Autant le petit pois est serré à maturité contre ses voisins, au point que sa graine sphérique en est aplatie, autant le haricot est petitement logé, autant la fève s'étalera à l'aise dans son abri luxueux, pourra s'y prélasser, s'y dilater paresseusement. "

" Ca cuit en un rien de temps, à feu menu, dans sa propre vapeur, que l'on fait tomber en rosée sur les fèves. Et si fragile ! Ne remuez pas.

Ca fond littéralement dans la bouche."

Après avoir lue une telle page de Marie ROUANET ('Petit traité romanesque de cuisine'), vous comprenez que je n'avais qu'une envie, expérimenter ce qui apparaissait comme un délice de douceur.

Dimanche matin donc, je me précipitais au marché Saint-Antoine. Surprise, les étals étaient presque tout rangés, les cageots remballés, certains maraîchers déjà embouteillés. Il est vrai, je dois le confesser, qu'il était tout de même 13 heures !

Demandant à un retardataire s'il avait de ces papilionacées que je convoitais, il me répondait que non, mais que son voisin en avait remporté, fort mécontent d'ailleurs de ne pas en avoir vendu, dans sa camionnette verte, celle-là même là-bas, à dix mètres au bout de son bras, coincée par l'escouade de préposés au nettoiement. Je me précipitais vivement à l'assaut de la camionnette et après quelques discussions courtoises avec l'aimable commerçant, je pus enfin repartir avec mes sacs plastiques remplis du fruit de ma convoitise : des fèves odorantes.

Pendant le trajet de retour en métro, je commençais bien sûr à écosser mes trophées.

Quelle douceur que l'intérieur de ces cosses, quelle délicatesse dans le pastel de ces graines.

Je me remémorais en même temps la vague recette que l'on m'avait fournie.

Arrivé enfin dans mon laboratoire, je finissais mes petits travaux manuels et poussais même le raffinement jusqu'à les " dérober " (enlever à l'ongle la pellicule blanchâtre élastique qui les recouvre).

Dans la sauteuse, avec un peu de beurre, cuisson à feu doux et couverte.

Puis quelques brins de lard, une pincée de sel, un soupçon de maizena pour la liaison, quelques cuillères de crème fraîche.

C'est bien vrai, ce qu'elle écrit Marie ROUANET : ça fond en bouche, c'est moelleux et goûteux, un régal !

La prochaine fois, j'essaierai une autre recette : on les fait d'abord cuire un peu à l'eau bouillante, on les rince rapidement à l'eau claire, on les fait revenir au beurre par exemple avec des fines herbes, ou à la crème bouillante.

Mais attention : 64 Kcal pour 100 g ! sans compter la crème fraîche et le lard.

Ce que je dis là, c'est pour vous. Moi je m'en fiche.

Avant de terminer, je ne résiste pas à la tentation d'une autre citation de Marie ROUANET.

" Misère ! La fève est le seul des féculents à devenir carrément laid. Les haricots, les prolétaires haricots qui, eux, ne vivaient pas dans le velours, qui étaient étroitement et durement logés, enchantent par leur coloris, ont d'incroyables grâces, des couleurs tendres, suaves, de délicieux brillants. Ils sont coquilles d'œuf, roses, blancs, avec un œil cerné de noir de mouette rieuse ou piquetés comme des grives. Le pois chiche a l'air d'un joli bout de sein. Mais la fève, pauvre ! Elles est ridée, tannée, son vert est devenu marron. Elle a tout l'air de vieilles fesses. Cette sybarite grassouillette est devenues une vieille rombière.

Il ne faut pourtant pas s'y fier et la mépriser pour autant. C'est avec elle que l'on fit le cassoulet avant la découverte, avec l'Amérique, du haricot.

Jean

Chronique 41 (25/5/98)

D'abord une saine lecture, il y avait longtemps que je ne vous avais pas parlé de Hervé This.

" Guy Savoy, chef installé non loin de la place de l'Etoile, à Paris, est le prince des oppositions : oppositions de textures, oppositions de saveurs, oppositions de parfums...

Je me souviens avoir mangé chez lui un extraordinaire filet de saumon où deux propriétés s'opposaient : le degré de cuisson -et la fermeté de la chair - augmentait de bas en haut, tandis que le parfum d'herbes qui couvraient le poisson avait migré de haut en bas, au cours d'une seconde étape de cuisson. 

La recette que je donne ici n'est pas la sienne, mais s'en inspire. Testez-là sans crainte : même si vous ne maîtrisez pas vos " gradients opposés " comme le maître de la rue de Troyon, vous aurez un plat délicieux."

Excusez-moi si je ne vous transcris pas l'intégralité de la recette ; elle est très longue et compliquée.

Je résume :

On prépare d'un côté un fond de poisson. On prépare à part une petite julienne de légumes (carottes, échalotes, fenouil, poireau) que l'on laisse réduire puis que l'on mixe.

Dans du beurre clarifié on fait cuire à feu vif les filets de saumon, la peau (conservée d'un côté) contre la poêle. On ne laisse cuire que jusqu'à mi-hauteur : bien cuits en bas, insuffisamment au sommet.

On retire les filets et on les place dans un plat à four. Sel, poivre et une couche du hachis fait avec le hachis de légumes.

Laisser la chair s'imprégner du parfum délicat.

Passer au four 20 minutes à 70 degrés.

Le passage au four vise à accroître la migration des arômes de la couverture d'herbes dans la chair des poissons, à finir la cuisson et à réchauffer les filets.

C'est la seconde opération fondamentale, celle qui parfume la partie supérieure du poisson plus que la base. Pour que cette opération soit bien réussie, les légumes doivent être fortement parfumés.

Dans le fond de poisson, mettez 10 centilitres de crème en fouettant. Nappez les filets avec cette sauce.

Alors, bien sûr, je n'ai pas fait tout ça, mais je m'en suis inspiré.

Avec des jolis filets de Merlan, légèrement farinés. Je les ai fait cuire à feu vif dans le beurre clarifié, d'un seul côté. Puis dans un plat à four, je les ai recouvert d'un peu d'aigre-doux de cerises (préparé il y a quelques jours) et après une demi-heure j'ai enfourné mon plat.

J'ai fait aussi un autre essai, encore plus simplifié :

Après la cuisson à feu vif, je les ai garnis de copeaux de beurre à l'aneth (préparé il y a quelque temps) et j'ai recouvert après avoir arrêté le feu. Ils ont fini de cuire tout doucement en se parfumant délicatement.

J'ai servi les deux fois nature, sans sauce, sinon celle de cuisson, et accompagnés de haricots-beurre sautés au beurre clarifié et parfois légèrement grillés.

C'est déjà exquis : les nuances de degré de cuisson opposées aux nuances de parfums, .......

Jean

Chronique 42 (2/6/98)

L'expérience " Piperade " étant en cours, la cuisson au miel vous lassant (et pourtant, si vous saviez ....), la chronique de la semaine, dont le retard de parution n'est dû qu'au jour férié et au beau temps, prendra un tour particulier.

En effet, j'ai reçu deux messages en réponses aux chroniques.

Lila d'abord, nous propose une recettes de fèves:

Tu prépares tout d'abord un fond de sauce à base d'oignons et d'agneau (faire d'abord roussir un peu les oignons, faire saisri ta viande, si possible du collier ou alors des cotelettes) auquel tu rajoutes des petits pois frais (bien sûr) des fonds d'artichauds violets si possible et des fèves bien jeunes que tu ne décortiques pas car l'écosse est aussi un délice et tu laisses mijoter tout cela.

J'ai oublié de te dire (je pense qu'un grand cuisinier comme toi y aurait pensé mais bon!) qu'il faut faire blanchir un peu tes fèves (coupées en morceaux) avant de les mettre à mijoter. Quant à l'assaisonnement, il faut assaisonner le fonds de sauce avec du poivre noir, du sel et une pointe de cumin.

Il est vrai que c'est un plat beaucoup plus familial que ta recette mais je t'assures que c'est un véritable régal.

Brigitte ensuite

Je recherche différentes façons de cuisiner le TOFU (crème de soja).

Juste doré à la poêlle avec du persil et de l'ail c'est un peu fade.

Je vous rappelle que le TOFU est :

Produit de base de l'alimentation extrême-orientale et surtout japonaise, préparée à partir de haricots de soja trempés puis réduits en une purée qui est ensuite bouillie et tamisée. Le liquide obtenu est géléifié par adjonction d'un coagulant.

De goût relativement neutre, très riche en protéine végétales, le TOFU s'apprête au Japon selon des centaines de recettes : associé à des sauces aigres-douces dans des salades de légumes et d'algues ; incorporé en petits dés à des plats de nouilles ; émietté et cuit comme des œufs brouillés, avec des champignons et des aromates, etc.

Il est un des ingrédients du sukiyaki, intervient aussi dans des mets de poissons et de crustacés, des potées et des soupes ; garni de ciboule ou d'oignon, il est façonné en petits pâtés ou frit en boulettes ; enrobé de miso, il est grillé en brochettes. On l'apprécie aussi simplement débité en cubes, frit et dégusté avec du gingembre râpé et de la sauce soja. En été, on le sert glacé, en salade avec des ciboules, de la bonite séchée, du daikon râpé et des graines de sésame ; en hiver, on l'apprécie " fumant " (ébouillanté et accompagné de konbu).

Je n'ai rien inventé, c'est écrit dans LE LAROUSSE GASTRONOMIQUE, page 1050.

C'est vrai, ce bouquin il raconte des choses extraordinaires. Par exemple, toujours page 1050, le TOAD IN THE HOLE (v.f. crapaud dans le trou) :

composé de petites saucisses de porc fraîches, poêlées, puis recouvertes de pâte à crêpe épaisse ; la préparation est cuite à four très chaud, et servie brûlante.

C'est un apprêt populaire de la cuisine britannique, fallait-il que je le précise ?

Non, nous n'exluerons pas Brigitte de la liste des abonnés, mais nous pouvons nous demander pourquoi elle se lance dans de telles agapes à base de haricots de soja trempés et coagulés.

Enfin, si quelqu'un connaît des recettes savoureuses à base de TOFU, qu'il n'hésite pas à m'en faire part (il y en a peut-être une ?).

Je ne testerai pas, mais je transmettrai.

D'ailleurs, il faudra que je trouve une idée pour développer les échanges au sein des abonnés aux chroniques de

Jean

Chronique 43 (7/6/98)

Rapport sur l'expérience Piperade.

Il existe autant de recettes de pipérades qu'il existe de cuisiniers basques, chacun soutenant que sa recette est la seule orthodoxe. En fait, la pipérade se compose d'éléments traditionnels : poivrons rouges et verts, tomates, oignon, ail, auxquels on ajoute des œufs et du jambon.

Faites griller, épluchez et émincez un poivron vert et un rouge en lanières.

Epluchez, épépinez et coupez 2 grosses tomates en petits morceaux.

Emincez finement 1 oignon.

Coupez 50 g. de jambon en petits dés.

Dans une cocotte ou une sauteuse, faites fondre un peu de gras (graisse d'oie, gras de jambon, saindoux, etc.) et faites revenir le jambon et l'oignon.

Lorsque l'oignon est fondu, ajoutez le poivron et la gousse d'ail. Couvrez et laisser suer à feu moyen, un bon quart d'heure.

Ajoutez les tomates, sel, poivre, bouquet garni. Couvrez et laissez cuire un quart d'heure.

Découvrez et laisser réduire doucement jusqu'à obtenir une purée onctueuse.

Battez 8 œufs en omelette.

Dans un poëlon en terre à fond assez large (si vous avez) faites fondre un peu de gars, versez les œufs et immédiatement la prépâration de poivrons. Faites cuire sur feu doux en remuant jusqu'à ce que le mélange commence à prendre.

Retirez du feu et servez aussitôt.

( Il faut préciser que c'est aussi très bon servi froid. )

A la semaine prochaine.

Jean


Chronique 44 (14/6/98)

Christaine m'ayant demandé de lui trouver la recette du caviar d'aubergines, je me suis précipité dans mes livres. Voilà ce que j'ai trouvé :

Cuire trois belles aubergines au four préchauffé à 200 °C de 15 à 20 minutes.

Peler et épépiner 2 tomates, hacher la pulpe.

Eplucher et hacher 1 oignon.

Fendre les aubergines en deux, retirer la pulpe et la hacher au couteau.

Mélanger dans un saladier tomates, pulpe d'aubergine et oignon; saler et poivrer, verser, en tournant, 1 petit verre d'huile d'olive.

Mettre dans le réfrigérateur jusqu'au moment de servir.

On peut décorer avec des quartiers d'oeufs durs et des rondelles de tomates.

(Larousse Gastronomique)

Je l'ai même expérimenté; manque de force de caractère. A revoir avec peut-être un peu d'ail, quelques herbes, etc. Si vous avez des idées, ne manquez pas de m'en faire part.

Mais Christiane m'a répondu en me disant que ce n'était pas ça qu'elle cherchait : c'est autre chose, qu'elle a mangé une fois, ressemblant à un pâté, servi dans un moule en fait, et au goùt typique de la Provence

Alors, vous savez quoi ? je suis reparti, bonne pomme, dans mes livres et sur le Net, et voilà que j'ai trouvé une recette qui s'appelle

PAPETON

Spécialité avignonnaise à base d'aubergines en purée et d'œufs, cuite dans un moule dont la forme rappelait, à l'origine, celle de la tiare papale, et dont on dit que certains souverains pontifes étaient friands.

Préparer ½ litre de fondue de tomate très réduite. Eplucher 2 kg d'aubergines, les tailler en cubes, les poudrer de sel fin et les laisser dégorger 1 heure pour qu'elles perdent leur eau de végétation. Les laver à l'eau froide, les éponger à fond, puis les fariner légèrement et les faire fondre très doucement dans ½ verre d'huile d'olive ; les saler, les laisser refroidir et les passer au mixer.

Mélanger 7 gros œufs battus en omelette avec 1 dl de lait, 2 grosses gousses d'ail finement écrasées, du sel, du poivre et un soupçon de poivre de cayenne ; ajouter la purée d'aubergine et verser le tout dans un moule à manqué beurré.

Placer ce moule dans un bain-marie, commencer l'ébullition sur le feu, puis cuire 1 heure au four préchauffé à 180 °C.

Réchauffer la fondue de tomate. Démouler sur un plat de service chaud et napper de fondue bouillante.

On dirait le principe de la crème renversée !

A laquelle on aurait rajouté la purée d'aubergine et l'ail, bien entendu....

Allez, à la semaine prochaine.

Et n'hésitez pas à écrire.

Jean

Chronique 45 (22/6/98)

Aubergine, quand tu nous tiens !

C'est donc l'été, les grandes chaleurs lascives, les perles de rosée sur le front au moindre mouvement, on n'entend plus passer que les mouches.

C'est le moment de la cuisine simple, courte, sans efforts. Parce que de toute façon, on n'a même plus envie de mastiquer. Il reste l'envie de saveurs fraîches, fondantes, goûteuses avec légèreté et délicatesse.

L'aubergine au four, cuite dans sa peau : quand elle est bien ramollie, on retire la chair avec une cuillère et on l'écrase avec de l'ail et de l'huile d'olive crue. On obtient une pâte à étendre, froide ou chaude, sur du pain grillé.

Entrée diététique s'il en est, qui ne signifie pas pour autant indigence. L'aubergine s'y défend toute seule et on peut apprécier son goût naturel gardé intact par la cuisson à l'étuvée.

A la limite, si on le désirait, il serait possible de n'ajouter au légume qu'un assaisonnement sel-poivre-thym émietté. (citation de Marie ROUANET)

L'aubergine à la vapeur : Vous couper l'aubergine en deux, dans le sens de la longueur, et vous la faite cuire à la vapeur (auto-cuiseur, Cocotte-Minute, etc.)

Après l'avoir laissée égoutter, vous la servez telle quelle, encore tiède, avec une sauce aillée, une petite crème d'ail ou pourquoi pas un aïoli. Mais léger l'aïoli, : il ne s'agit surtout pas de s'emporter le palais, mais d'accompagner la saveur de l'aubergine, fine et délicate.

Jean

Chronique 46 (29/6/98)

Purée d'ail.

" C'est gràce à l'estoufat et aux escargots d'Henriette que l'idée me vînt d'utiliser la pulpe d'ail bouilli en sauce d'accompagnement. Certes, aussi bien dans le court-bouillon des escargots que dans le vin de l'estoufat, l'ail prend un goût en plus de son goût. Mais il est si fort et original en saveur qu'il peut très bien être seulement bouilli dans de l'eau salée où l'on aura mis une branchetted ethym frais, ce thym d'hiver aux feuilles petites et gorgées d'arôme que je préfère à la fleur. Après la cuisson, assez longue afin que le grain soit bien ramolli, on fait sortir la pulpe des têtes entières et on la recuille dans un bol. Il y a là au passage un plaisir d'enfant maniant la boue, de pêcheur de palourdes pataugeant dans la vase crêmeuse qui le caresse entre les orteils.

Cette purée, poivrée, arrosée d'huile de négrette, est servie par exemple avec des blancs de poulet étuvés sur un lit de poireaux ou un lit de quoi que ce soit qui vous " vienne par goût " ou vous soit offert par le jardin - on a vu étuver des viandes sur un lit de févettes.

L'essence d'ail volatile et vasodilatatrice passe rapidement dans le sang et rapidement dans le souffle. Mais sentir l'ail est très mal vu. Au lieu de louer pour sa sagacité uen personne se nourissant d'ail on fronce le nez et on s'écarte d'elle. Elle fait peuple.

Si vous avez l'amour aventureux, tentez l'affaire. Bien bourré d'ail, invitez votre belle.

Sinon, réservez cette consommation pour les jours où vous dormez seul, pour les jours de chasteté où vous n'avez aucune amoureuse, aucun amoureux à embrasser. "

Et puisque Danielle me demande la recette de l'aoïoli, le vrai, en voici une. Mais j'imagine qu'il en existe des centaines, toutes plus traditionnelles les unes que les autres.

Dans un mortier, écrasez avec un pilon en bois les gousses d'ail épluchées. Salez et poivrez, ajoutez le vinaigre ou le jus de citron, éventuellement la moutarde et, de préférence au jaune d'œuf, une pomme de terre (cuite en robe des champs) épluchée froide.

Pilez jusqu'à ce que le mélange soit bien homogène et ajoutez l'huile goutte à goutte, puis en filet, en pilant toujours vigoureusement. Tenez au frais avant de servir.

Et encore sur l'ail quelques extraits :

Ail et mauvais œil:
Une des croyances les plus solidement ancrées depuis des millénaires du bassin méditerranéen jusqu'à l'Inde est que l'ail protège du mauvais œil, des maléfices et des mauvais esprits. C'est pour cette raison que l'on retrouve des bouquets de têtes d'ail nouées de fil rouge, en Italie, en Grèce ou en Inde. Dans de nombreuses cultures l'ail est considéré comme un agent protecteur contre les influences néfastes, et les agressions dangereuses, et les désenvoûteurs continuent à le recommander. Les prêtres de Babylone s'en servaient pour composer des philtres et éloigner les mauvais esprits. En Grèce, en Turquie, il suffit de le nommer pour conjurer le mauvais sort. Rogert de Lafforest conseille de manger de l'ail ou d'en placer sur sa table de chevet pour se prémunir des agressions des sorcières et des mauvaise fées. Les greniers à blé en Scandinavie et dans les Balkans étaient ornés de tresses d'ail destinées à chasser les mauvais esprits, et accessoirement les rats.

Ail et vampires:
Selon de vieilles traditions d'Europe Centrale, un bouquet d'ail accroché à la tête du lit ou un collier de fleurs d'ail éloignent les vampires. Mais attention! La tresse que vous pendrez à la tête du lit, à un mur, une porte ou une fenêtre, doit être impérativement composée d'un nombre impair de têtes d'ail si vous ne voulez pas qu'on vous suce le sang. Dans La diététique du cerveau Jean Marie Bourre, docteur, chimiste, ingénieur à l'Inserm ne dédaigne pas se pencher sur ces croyances qui font les beaux jours des films fantastiques, avec au moins en apparence le plus grand sérieux, et il fait remarquer que si l'ail éloigne les vampires " buveurs de sang ", c'est que " ...dans l'ail, il y a une molécule, l'agoene qui modifie la circulation sanguine. L'ail risquait donc de troubler le festin du vampire, ou de perturber sa circulation sanguine ".

Ail et fantômes:
En Sibérie, les Bouriates estiment que l'on peut déceler l'approche des femmes mortes en couche, et qui reviennent la nuit, telles des fantômes malfaisants, persécuter les vivants, à l'odeur d'ail qu'elles répandent.
Les Bataks de Bornéo accordent à l'ail le pouvoir d'aider à retrouver les âmes perdues.

Ail et serpents:
Dans les Carpates, les bergers se frottent les mains avec de l'ail béni avant de traire pour la première fois les brebis pour protéger les bêtes des morsures de serpent. Cette croyance persistante dans le pouvoir de l'ail d'écarter les serpents remonte à l'Égypte ancienne. Chez nous au 16e siècle, on mettait de l'ail sauvage au cou de la brebis qui ouvrait la marche, persuadé que l'on était que le loup ne s'attaquerait pas au troupeau. En Suède, l'ail au cou des bestiaux les protégeait des trolls.

Ail, porte-chance:
Selon Scott Cunningham, l'ail est efficace contre la malchance, c'est pourquoi il faut en répandre dans toutes pièces d'une maison neuve, et en emporter avec soi quand on part en voyage. En effet " il agit contre les tempêtes, les avalanches, les bandits et les monstres " et " en sanscrit on appelle cette plante bhutàgana, c'est-à-dire tueur de monstre ".

Selon une vieille tradition du Béarn, on frottait d'ail et de Jurançon les lèvres du nouveau né, et c'est ce que l'on fit pour Henri IV, grand amateur d'omelette à l'ail qui était fier d'entendre dire qu'il " sentait le gousset ". Son grand-père s'en chargea pour lui donner force et vigueur, pour qu'il profite de ses bienfaits, soit protégé des maladies et des maléfices ainsi que de l'ivresse due aux abus d'alcool et lui dit: " Va! Va! tu seras un vrai béarnais ".

Clef des songes:
Maintenant, attention! Si vous rêvez d'ail c'est qu'il serait largement temps pour vous de prendre quelque repos.

Météo:
Le dicton est " Plante de l'ail au commencement de la lune, c'est pouvoir obtenir autant de gousses dans une tête qu'il y a de jours depuis la pleine lune ". On dit que si l'ail est difficile à peler, l'hiver sera mauvais et à contrario, " Ail mince de peau, hiver court et beau ".

Jean

Chronique 47 (6/7/98)

Grave est la question du jour : avant de partir en vacances, quel caractère donner à la chronique hebdomadaire ? Parceque c'est la dernière de la saison; et y aura-t-il une autre saison ? L'artiste aura-t-il la force et le courage et la volonté de poursuivre ? Les sponsors seront-ils encore à ses côtés ?

Et le public ? sera-t-il encore assidu ? fébrile du lundi ? les abonnés prendront-ils enfin la résolution de répondre et de participer ?

"Certains aiment ajouter un poivron à leur purée d'aubergines et de tomates. Je me méfie de son goût envahissant. Je préfère, et de loin, le cuire au four, enlever la mince peau qui le plastifie, le découper en lanières et le couvrir d'huile d'olive aillée. La préparation est assez minutieuse, car il faut ôter toutes les graines et enlever la peau parfois par morceaux minuscules, mais le résultat est à la hauteur. C'est en Catalognes que j'ai découvert le poivron rouge grillé servi comme je viens de vous le raconter. Je m'en régalais jusqu'à ce que je découvre dans l'arrière-cuisine une aïeule toute noire, attachée au nettoyage. Attachée véritablement, rivée à sa chaise dans l'arrière-cuisine. Chaque fois que je passais, je la trouvais penchée sur les fruits rouges, comme condamnée à un travail interminable par quelque maléfice. J'avoue que cela m'avait un peu ôté l'envie de manger en hors-d'oeuvre le poivron confit.

Mais ce qui est esclavage lorsqu'il s'agit de cuisiner pour une clientèle, est simple petit effort en famille ..."

Et justement, qu'avait-elle donc préparé en cachette, samedi, ma maman, pour le petit repas à la campagne que j'avais décidé, et pour lequel je préparais quant à moi de l'agneau au miel, accompagné de petites pommes de terre nouvelles colorées dans la sauce ?

Du poivron rouge confit.

Mais à sa façon : pas au four, elle n'aime pas, disait-elle. Souvenir d' Espagne elle aussi sans doute.

Elle les a fait cuire à la vapeur, et ensuite mariner dans leur huile d'olive assaisonnée. Après la pénible séance d'épluchage minutieux.

Le poivron, hier j'en ai mis aussi dans un caviar d'aubergine. Cuit à la vapeur, pour essayer, épluché et coupé en tout petits morceaux.

Sachant que le poivron n'est jamais qu'une variété douce de piment, quelques mots sur celui-ci s'imposent.

Est-il aussi nuisible que son action sur la langue et dans la bouche le laisserait supposer ?

David Graham, du Centre des affaires médicales des anciens combattants, à Houston a observé à l'endoscope les effets du piment sur la paroi de l'estomac de 12 volontaires.

Lors d'une première expérience, les volontaires recevaient un repas neutre, composé d'un steak et de frites. Puis un autre jour, ils mangeaient le même repas, mais assaisonné d'aspirine (qui a la réputation de trouer l'estomac). Enfin, à une troisième occasion, on leur préparait des pizzas aux merguez et divers aliments mexicains auxquels l'équipe médicale ajoutait autant de piment qu'il était humainement supportable.

L'endoscopie révéla que l'aspirine attaquait effectivement la paroi stomacale, mais que le piment n'avait pas d'action corrosive visible.

Le principal ingrédient piquant du piment est la capsaïcine, ou 8-méthyl-N-vanniyl-6-nèneamide, également présente dans le poivre. C'est logiquement elle qui a d'abord fait l'objet d'études : son action sur la paroi intestinale a été comparée à celle de l'aspirine. La 8-méthyl-N-vanniyl-6-nèneamide n'a eu aucun effet visible; pas plus que le piment broyé et déposé directement dans l'intestin, à l'aide d'une canule.

( au fait, ils étaient vraiment volontaires, les 12 là-bas à Housseton ?)

En revanche la sauce tabasco, déposée directement à l'intérieur de l'estomac, engendrait une inflammation de la paroi.

Ainsi les piments, s'ils excitent les fibres nerveuses de la douleur, dans la bouche notamment, n'ont pas d'action corrosive réelle. Ils stimulent la salivation, activent le transit intestinal, provoquent des sensations de brûlure anale et donnent une sensation de bien-être après le repas. Pourquoi ? Peut-être parce qu'ils stimulent la libération de substances opioïdes endogènes, cousines de la morphine, en raison de leur action sur le système nerveux de la douleur.

Après ces informations capitales, pour lesquelles je remercie Hervé This, je vous propose de faire vous-mêmes une petite expérience.

Vous prenez une poêle, vous la graissez légèrement et vous y déposez deux cuillères de miel. Laissez chauffer doucement tout en gardant le nez au-dessus.

Si cela ne vous fait pas comprendre la beauté de la vie dans une cuisine, laissez tout tomber, faites du tricot, préparez un CAP de plombier-zingueur, achetez un vélo ou lancez-vous dans l'étude de l'influence du sanskrit sur l'évolution des religions dans le bassin méditerranéen.

Bonnes vacances.

Jean