Une fois franchies les premières barrières du palais, les carrures
impressionnantes des gardes et leurs lourdes armes aux tranchants luisants, je
traversais de longues et hautes pièces au carrelage sonore derrière
un chambellan chamarré. Enfin, et à son aimable invite " plié-en-deux
", j'entrais à reculons dans une pièce d'attente.
Me retournant, je me figeai de stupeur : deux autres personnes à mon effigie
exacte discutaient, posément assises sur de petits fauteuils de salon.
Après quelques tapes amicales, quelques mots rapides cernant la situation,
et surtout une consigne commune : pas d'engagement avant de nous retrouver tous
le soir même à l'Auberge du Moine Cornu.
Un autre chambellan, encore plus chamarré et l'air ennuyé, entra
brusquement, accompagné de quelques gardes armés, et nous fit
emmener dans des pièces séparées.
Mon entrevue avec la jolie Reine fut simple, agréable et courtoise :
celle-ci ne supportait plus de laisser le roi sans enfant, et elle émettait
le souhait, avec son plus ardent sourire, que je mette en uvre science,
magie et tout ce qu'il fallait pour remédier à cet inconvenant
état. Elle accepta, malgré un léger agacement, que je prenne
le temps de réfléchir face à cette proposition.
Le soir venu, nous nous retrouvâmes 7 Merlin à l'Auberge. Heureusement,
il se faisait tard et le serveur dans un état déjà bien
avancé attribua cette tablée à sa fatigue plutôt
qu'à malices.
Nous discutâmes longuement de l'effet Carabosse, théorie bien connue
des auteurs anciens mais dont nous étions nous-mêmes devenus sujets
d'expérience.
Plusieurs sessions temporelles de la même entité individuelle peuvent
cohabiter en un même lieu et en un même moment, sous certaines conditions.
Mais les risques sont immenses, en particulier pour le sujet.
Quels que soient les motifs de la Reine, leur bien-fondé et la tentation
généreuse de lui rendre service, nous décidâmes unanimement
de décliner sa proposition. Mais avant de l'en informer par le biais
du chambellan et de nous enfuir, nous lui préparâmes un plat délicat
et fin propre à lui faire prendre patience, sinon peut-être à
provoquer l'état attendu.
Les rognons de veau aux morilles sont tellement exquis que beaucoup de choses
peuvent en résulter. Surtout si l'on en mange 7.
Quelques temps plus tard on apprit par le royaume que la Reine Astrid venait d'accoucher d'un fils. Evidemment l'effet des 7 rognons
Rognons de veau aux morilles.
Recette inspirée de la Mère Brazier
Parer les rognons et les découper à la taille souhaitée.
Laisser tremper les morilles dans de la crème liquide pendant 1 heure.
Les égoutter en conservant a crème.
Faire revenir de l'échalote hachée dans du beurre. Lorsqu'elle
est blonde, ajouter les morilles, saler et les faire sauter vivement.
Ajouter une bonne rasade d'Armagnac, laisser chauffer et faire flamber.
Verser la crème conservée. En ajouter si nécessaire, et
laisser sur le coin du feu.
Faire sauter les morceaux de rognons à l'huile (ou beurre à rôtir)
à feu vif quelques minutes.
Poivrer selon goût. Egoutter et servir immédiatement, sur assiettes
réchauffées, avec les morilles en sauce.
Accompagner d'un riz pilaf, par exemple.