Chronique 32 (4-4-04)


Quelques années après son installation à Lyon comme chef de cuisine, le jeune Stéphane s'intéressait de plus en plus aux sources de la gastronomie de cette ville réputée, de cette cuisine d'émotions dont il se sentait de jour en jour plus proche.
Feuilletant nonchalamment quelques ouvrages à l'étal d'un bouquiniste du quai de la Pêcherie, il s'arrêta sur un curieux livre reprenant la forme d'un cahier de recettes aux lettres calligraphiées.
Touché par la délicatesse des présentations de menu, la précision des recettes et leurs variantes si modestement proposées, la déférence avec laquelle la cuisine des Mères Lyonnaises était expliquée et commentée, Stéphane fit quelques recherches bibliographiques, mais personne ne connaissait l'auteur, ni même ce livre. L'éditeur lui-même avait disparu.

Un jour alors qu'il descendait la Montée des Soldats une femme, en le croisant, fit tomber un paquet de documents. Il se précipita pour les lui ramasser et fut surpris d'y trouver son cahier manuscrit. Comme il allait lui faire part de sa surprise, elle se précipita pour le tirer par la manche, juste avant qu'une charrette tirée par deux chevaux descendant au galop ne le renverse.
" Vivement l'interdiction de ces charrettes ! " dit-elle.
" Merci Madame, mais sans charrettes comment transporter les marchandises ? "
Tout en la prenant par le bras, pour la raccompagner, il lui rendit le cahier.
" Ne serait-ce pas un cahier de recettes ? Vous cuisinez donc ? "
Elle lui expliqua d'un air enjoué que ce cahier n'était qu'amusement de veuve. Notes et explications seront peut-être un jour utiles à quelqu'un. Ou inutiles. La belle affaire.
Tout en lui serrant un peu plus le bras, il lui racontait combien il était gourmand, toujours curieux de goûter de nouveaux plats, et aussi à la recherche d'ouvrages nouveaux à publier.

Elle l'arrêta : " Vous êtes éditeur ? "
" Les éditions Stéphane Bachès. Directeur, commis, rédacteur, comptable. Nous sommes tous là, chère Madame. Tous impatients de déguster vos spécialités."
" Pour la poularde en deuil, ce sera une autre fois, il n'y a pas de truffes en ce moment, mais pourquoi pas une joue de bœuf ? "
C'est elle qui lui avait pris le bras, tout en lui expliquant la délicatesse insoupçonnée de cette viande.

EFFILOCHÉE DE JOUE DE BOEUF, MOUSSELINE DE CAROTTES
Stéphane Gaborieau, Aimer la cuisine Lyonnaise. Editions Ouest-France

Pour 4 personnes

2 joues de bœuf (à commander à son boucher)
3 oignons
150 g de poitrine fumée
1 branche de céleri
3 tomates (coupées en deux ou quatre quartiers)
2 l de vin rouge

pour la mousseline de carottes
1 kg de carottes
10 cl de crème
80 g de beurre
cumin en poudre
sel et poivre


Mousseline de carottes
Eplucher et découper les carottes en rondelles.
Cuire les carottes à la vapeur (environ 15 min) puis les passer au presse-purée ou mixeur pour obtenir un mélange homogène.
Ajouter la crème, le beurre, du cumin, le sel et le poivre.
Garder au chaud.

Préparation des joues
Dans une cocotte en fonte, faire braiser les joues avec tous les ingrédients pendant 2 h-2 h 30, à feu doux.
Une fois les joues braisées, les sortir de la cocotte et les réserver au chaud.
Passer le jus au chinois.
Disposer les joues de bœuf dans un plat creux.
Les arroser du jus.
Servir avec la mousseline de carottes autour.

Notes du 4-4
Oignons cloutés de girofle, 40 g de beurre dans les carottes.
Faire d'abord doucement revenir les légumes au beurre.
En fin de recette, faire réduire le jus passé.