Chronique 13 (19-11-2001)


Il faisait frais ce matin-là, et nous supportions, bras-dessus bras-dessous, nos superpositions de laines en faisant quelques pas sur le chemin devant la chaumière. Quelques nappes de brouillards laissaient parfois percer un rayon de soleil, et les champs alentours étaient nimbés de volutes changeantes et de luminosités tantôt ocres et tantôt bleutées.
Dans ces fraîcheurs ouatées, nous attendions notre invitée.

" Tu verras " m'avait dit Mélusine, " ma nièce est un peu rude de prime abord, sèche parfois, comme sur ses gardes. Mais tellement charmante finalement. Comme une pomme. Un peu acide au premier coup de dent, et si fondante et délicieuse à la dégustation. "

Je n'eus pas le loisir de répondre, car descendant à toute allure par le chemin escarpé un tourbillon de vivacité nous sortit de nos ouateurs molles.

" Bonjour Tantine ! Alors, c'est ton mec ? Pas trop mal conservé, malgré son petit ventre rond ! Tu aurais pu trouver pire !"

La petite nièce avait les joues rouges, vivifiées par l'air frais , les yeux mutins, les gestes volubiles et le corps plein de gourmandises.

" Je ne suis pas venue les mains vides ! " dit-elle en présentant son panier, empli de pommes. De ses mains curieusement couvertes de pansements, elles nous montra de belles pommes, de couleurs vives et d'aspect engageant. Du genre à croquer, pour y sentir le sucre sous l'acide.
" Eh oh, Papy ! Vous les croquerez plus tard, les pommes ! Quand je ne serai plus là ."
Et puis, sous les pommes, avec un immense sourire espiègle, elle nous montra une jolie petite bête, pleine de couleurs mordorées. Pour un beau faisan, c'était un beau faisan.
" Pendant que je ramassais quelques pommes, en passant là-haut sur le plateau, j'ai entendu un drôle de bruit. Comme une chute. Et c'était ce bestiau. Vous pensez bien que je l'ai vite rangé dans mon panier. Quand le chien du chasseur est arrivé, j'ai fais la belle effarouchée, et ça n'a pas manqué : le gars est vite arrivé et a retenu son chien. Il n'a pas pu s'empêcher de me seriner une vanne de beauf, mais il a fini par repartir avec son chien et ses blagues. Et moi, je vous apporte de quoi faire un super déjeuner ! "

Un faisan, des pommes, et quelques autres ingrédients suffirent à Merlin pour préparer un petit plat délicieux, pendant que 'tantine' et sa nièce Ysabeau parlaient entre filles.

" Voilà ! les filles, on peut manger…. En plus ton faisan, il n'avait pas un seul plomb. Visiblement, il est mort d'un arrêt cardiaque. "

Pendant ce temps, au bistro du village, les quolibets allaient bon train….
" Mais puisque je vous le dis ! Un faisan grand comme ça ! .. "
" Et oui ! Tellement gros, le faisan, que ton fusil était trop petit pour l'avoir ! "
" Mais oui, Gillou, un faisan gros comme une vache ! comme celle du Père Gégé que tu as tirée le mois dernier. "
" Et il est où, ce faisan merveilleux ? Il faudrait quand même une photo, pour le livre des records. "
" C'était pas plutôt un éléphant ton bestiau ? Un éléphant rose, évidemment ! "
" Tu devrais mettre un peu plus de café dans ton bol de gnole le matin….. "

FAISAN AUX POMMES

1 faisan, 500 g de pommes (fruits), 1/4 1 de crème fraîche, barde de lard, 1 verre à liqueur de calvados, 1 noix de beurre, sel, poivre.

Bridez et bardez le faisan. Faites-le colorer dans du beurre, à la cocotte.
Préchauffez le four Th. 7.
Dès qu'il est doré régulièrement, salez, poivrez, couvrez la cocotte, laissez cuire 25 minutes, en retournant le faisan de temps en temps.
Enlevez la volaille et gardez-la au chaud.
Ajoutez une noix de beurre, les pommes épluchées et coupées en tranches, laissez-les dorer légèrement et arrosez-les de crème.
Remettez le faisan, couvrez et laissez cuire encore 25 minutes à Th. 5.

Quelques minutes avant la fin de la cuisson, retirez la barde du faisan pour le faire dorer, ajoutez le calvados.

Servez chaud, avec par exemple une purée de céleri-rave.