Chronique 15 (02-12-2001)


J'étais essoufflé, en finissant de gravir la rude montée montant au village provençal, reculé dans sa montagne. Mais j'étais aussi surpris de ne voir âme qui vive sur la place du marché. Les boutiques étaient closes, ainsi que les 2 bars, de chaque côté de la place.
Je faisais quelques pas, décontenancé, lorsque je remarquais, au flan de la montagne, après la sortie du village, au bord de la garrigue, le cimetière où semblait s'être réunie l'ensemble de la population.

Parvenu aux derniers rangs des habitants, j'interrogeai un homme, à voix basse.
" C'est donc quelqu'un d'important, le maire peut-être, que vous enterrez aujourd'hui ? "
" Eh non, peuchère. Plutôt deux vagabonds, des va-nu-pieds qui s'étaient installés chez nous voici quelques années. Mais on les aimait vraiment bien."

Peu après, il me raconta toute l'histoire.

Simon et Jeanne étaient arrivés au village en demandant l'autorisation de s'installer dans le bout de ruine abandonnée, dans la proche forêt. Malgré leur aspect peu habituels, leurs vêtements colorés, leurs longs cheveux au vent, on décida de les laisser faire, presque en riant sous cape et s'attendant à ce que ces nouveaux hippies repartent très vite vers des lieux plus hospitaliers.
Mais à force de travail, ils avaient réussi à rendre ces ruines à peu près habitables. Tous en s'intégrant doucement à la vie du village. Toujours disponibles pour rendre un coup de main aux uns ou aux autres ; prêts à la discussion, mais pas sans fin, car le travail attendait ; demandeurs de conseils pour améliorer leurs plantations ou l'élevage de quelques chèvres et enclins à communiquer les connaissances qu'ils avaient pu acquérir.
C'est d'ailleurs plus souvent Simon que l'on voyait au village, mais Jeanne recevait avec plaisir les femmes qui montaient lui demander un petit travail de couture ou lui échanger quelques produits contre son fromage.
L'une d'entre raconta un jour qu'elle avait senti des odeurs merveilleuses s'échappant d'une casserole mijotant sur la vieille cuisinière à bois. Peu à peu cela se sut, et c'est l'instituteur le premier qui osa leur demander de venir préparer chez lui un de ces plats étrangers dont visiblement ils étaient coutumiers.
L'habitude se prit, et chaque semaine Jeanne et Simon faisaient découvrir aux gens du village des plats d'autres contrées, avec des saveurs inconnues en Provence

La vie suivait ainsi gentiment son cours, dans le village Provençal, dont les odeurs, qui parfois s'échappaient d'une maison, surprenaient les cigales.

Jusqu'à ce fameux jour. Un incendie dans le maquis. Un incendie qui prend de l'ampleur et s'engouffre dans la forêt. Malgré les efforts des pompiers.

" Nous n'avons rien pu faire, Monsieur. Même que trois de nos jeunes ont failli y rester, en essayant d'aller les sortir de leur maison. Dire que la semaine dernière ils étaient chez moi. Ils nous ont fait un poulet à la sauce d'amande, un vrai régal, Monsieur."


MURGH MASSALAM
POULET À LA SAUCE D'AMANDE

Pour 4 personnes. Préparation : 2 heures. Cuisson : 1 heure.

1 gros poulet entier, sans peau, nettoyé

Pour la marinade : 2 cuil. à café de pâte d'ail, 2 cuil. à café de pâte de gingembre, 2 cuil. à café de piment vert haché, 150 ml de yaourt nature, 1 cuil. à café de sel

Pour la farce : 90 g de riz basmati, 2 gros oeufs durs hachés, 90 g d'oignon finement haché, 30 g d'amandes hachées, 60g de feuilles de coriandre hachées, sel.
Pour la sauce: 75 ml d'huile de tournesol, 2 gros oignons émincés, blanchis, égouttés et réduits en purée, 2 cuil. à café de pâte de gingembre, 2 cuil. à café de pâte d'ail, 4 gousses de cardamome, 8 clous de girofle, 16 grains de poivre noir, 2 cuil. à café de graines de carvi, 2 feuilles de laurier, sel, 1 cuil. à café de piment moulu, 1 cuil. à café de curcuma moulu, 2 cuil. à café de coriandre moulue, 30 g d'amandes effilées, 30 g de raisins secs, 450 ml de yaourt.

Pour la garniture : 60 g de feuilles de coriandre hachées, 1 cuil. à café de filaments de safran, 30 ml de crème

Mélangez tous les ingrédients de la marinade et versez sur le poulet. Réservez 1 heure.
Pour la farce : faites cuire le riz, égouttez et mélangez avec tous les autres ingrédients.
Sortez le poulet de la marinade et réservez-la. Remplissez le poulet de farce.
Pour la sauce : chauffez l'huile dans une poêle et faites dorer les oignons avec les pâtes d'ail et de gingembre. Ajoutez les épices entières et le laurier, remuez. Faites revenir jusqu'à ce que l'huile se sépare de la sauce. Saupoudrez d'épices moulues et de sel. Mélangez.
Ajoutez le reste des ingrédients de la sauce et la marinade. Laissez cuire jusqu'à ce que l'huile se sépare de nouveau.
Disposez le poulet dans un plat à fond épais et versez la sauce dessus. Couvrez et laissez cuire, plus ou moins 40 minutes selon la taille du poulet, en le mouillant de temps en temps.
Faites tremper le safran 10 minutes dans la crème.
Versez la crème safranée sur le poulet chaud. Servez immédiatement, garni de coriandre hachée.