Chronique 17 (16-12-2001)


Lorsqu'il vint s'installer, l'ancien, il y a fort longtemps, dans ce petit chalet, les gens du village l'appelaient le chalet des marmottes. Tellement c'était éloigné, si haut, si proche du col et des herbages.
Et cela devint vite pour certains, le chalet du vieux. Qu'entendaient-ils par là ? Vieux fou ? Vieux sage ? Ou bien sans doute les deux à la fois ?
Au début, c'était juste un chalet pour l'été, sans chauffage, ni eau courante ; mais petit à petit les aménagements se firent, et l'ancien y passait de plus en plus de temps. Entre ses livres et son fourneau à bois, sur lequel mijotaient braisés, ragoûts et autres véneries, pâtisseries et pains divers. Il ne redescendait que le moins possible à la ville, pour quelques provisions, quelques visites aux bouquinistes; sa femme ou quelques visiteurs étant le plus souvent priés de lui apporter ce dont il avait besoin.
Mais il était une coutume pour laquelle le vieil ours redescendait volontiers dans le petit appartement citadin, c'était le repas de famille qu'il prodiguait tous les ans, aux approches des fêtes de fin d'année.
Et durant deux jours, il y préparait certaines recettes dont il avait tellement étudié les détails qu'elles avaient le pouvoir d'allumer des étincelles dans les yeux de ses convives.

Le temps passant, les uns et les autres essayaient, année après année, de le convaincre de ne plus abuser de ses forces, de passer la main et de transmettre son tablier, mais en vain. L'ours des montagnes s'accrochait à son devoir de tradition.
" Mais non, c'est rien à faire ; en tout cas, pas grand-chose. Et puis de toute façon … "

Et puis cette année-là, un changement se produisit.
A l'habituelle proposition faite, il acquiesça.

" Tous ces préparatifs ne sont effectivement plus vraiment de mon âge, et puisque maintenant Merlin est là pour prendre en charge ce repas, c'est avec plaisir que je peux transmettre ce tablier, qui commençait à être pesant. Je n'ai goûté qu'une fois à sa cuisine, et ce fut un régal ;mais j'ai aussi remarqué comment il appréciait la mienne, sans mots superflus, et cela ne trompe pas."

Tout à la fois fier et ému de cette marque de confiance, je préparais un menu festif mais léger, traditionnel mais avec une pointe d'innovation, en veillant surtout à ne point chercher à rivaliser avec ses recettes.
Tout au long du repas, du coin de l'œil je surveillais ses réactions, et ses hochements de tête me rassuraient.
Que ce fut pour la terrine de canard au foie gras, accompagnée de pickles et aigre-doux de prunes, les cailles désossées aux figues, sauce au Noilly-Prat, les cardons au jus de veau et sésame grillé ou la bûche chocolat et framboises.

Au moment du départ et des multiples embrassades, il me prit chaleureusement la main dans les siennes :
" C'était excellent. Merci. Et je connais le poids du tablier que je vous ai transmis. "
Ses yeux transmettaient tant de bonheur, tant de chaleur, que je ne sus que le remercier à mon tour.
" Mais c'est un tel plaisir de faire cela pour les gens que l'on aime. Merci pour ce tablier."

Bûche Chocolat et framboise
(adaptée de Cuisine Gourmande, Nov. 2001)

Pour le biscuit:
150 g de poudre d'amandes, 150 g de sucre glace, 100 g de farine, 50 g de cacao, 50 g de beurre, 4 oeufs entiers + 4 blancs, 120 g de brisures de framboises

Pour la garniture:
200 g de chocolat noir, 500 g de framboises, 100 g de sucre, 6 œufs, 20 cl de crème liquide très froide, 3 cuil. à soupe de jus de citron, 5 feuilles de gélatine, 1/2 pot de confiture de framboises, sucre glace, cacao, feuilles ou copeaux de chocolat.

Trempez la gélatine à l'eau froide. Mixez les framboises (sauf 6) en purée avec le sucre. Portez sur feu doux la gélatine essorée et le jus de citron en remuant jusqu'à dissolution, ajoutez à la purée. Laissez à température ambiante.

Chauffez le four sur th. 7/8 (220° C). Mêlez farine, poudre d'amandes, cacao, sucre glace ; ajoutez les oeufs entiers, puis les blancs montés en neige avec le beurre fondu. Etalez sur deux plaques (28 x 38 cm) garnies de papier sulfurisé, égalisez, parsemez de brisures de framboises. Cuisez 6 à 8 min. Retournez sur une grille, laissez refroidir.

Faites fondre la moitié du chocolat cassé en morceaux au bain-marie. Hachez le reste et incorporez-le hors du feu. Ajoutez les jaunes un par un, la crème en chantilly ferme, enfin les blancs en neige.

Tapissez un moule à cake en gouttière de papier sulfurisé. Taillez les biscuits de telle façon que vous puissiez faire un " coffre " dans le moule, sur toutes les parois. Tartinez de confiture. Versez une couche de chocolat, une de purée de framboises et une de chocolat. Couvrez du reste de biscuit taillé aux dimensions du moule. Réservez au froid une nuit (plus ce sera froid, et mieux cela sera)

Démoulez la bûche, et retournez-la sur un plat. Décorez avec les 6 framboises et les feuilles en chocolat. Poudrez de sucre cacao, puis de sucre glace. Ajoutez des décorations de Noël à foison.
Réservez au froid jusqu'au moment de servir. (Sur un balcon, par moins 10° par exemple….)