Chronique 19 (31-12-2001)


L'autre jour, je mourus.
Des complications imprévues à la petite contrariété de la semaine précédente, la négligence des soins, et malgré les souhaits de prompt rétablissement de nombreux amis, la maladie subite m'emporta d'un seul coup et je mourus.

Dans ces cas-là, tout en cheminant sur la longue descente vers le pays des morts, on rumine ses torts, le bien que l'on n'a pas assez fait, on regrette surtout de partir sans prévenir ses proches et aimés, sans les préparer. Le chemin a beau être long, et fastidieux, l'obligation de silence empêchant de converser avec les autres morts, il finit par aboutir au quai d'embarquement. Avec la multitude d'ombres en attente.
Comme j'étais en règle, j'embarquais rapidement, et trouvais à m'asseoir juste devant le passeur. Apercevant un paquet posé sous le banc devant moi, je l'en informai. Sa réponse fut brève : il n'y avait pas de paquet auparavant, j'étais donc prié de le garder avec moi. L'ayant ouvert, et découvert une jolie pintade, je m'occupais l'esprit à la plumer consciencieusement.

Enfin parvenu sur l'autre rive, je marchais doucement, soucieux de laisser filer la foule dont j'ai horreur. Je parvins donc bon dernier devant le gardien de la porte des Enfers, le chien Cerbère aux trois têtes. Machinalement, je sortis de ma poche quelques biscuits et les lui donnais à manger, comme je le fais souvent avec les chiens. Puis je lui caressais ses têtes. Il émit quelques grognements de plaisir et m'indiqua que j'étais autorisé à me désaltérer à la source, derrière son poste de garde, avant de poursuivre mon long chemin.
Ayant bu une gorgée, je fus surpris des saveurs particulières de ce liquide jaunâtre. Après plusieurs gorgées, je finis par reconnaître le fameux vin jaune du Jura, et en emplis ma gourde. On ne sait jamais, cela peut toujours être utile.

Lorsque je parvins, enfin, devant les juges, il n'y avait plus que Minos, les deux autres s'étant momentanément absentés, une fois la bousculade terminée.
M'étant rapidement présenté, je lui demandai où se trouvaient les cuisines, afin de déposer ma pintade au frais et m'organiser pour la préparer prochainement.
D'abord interloqué, puis amusé, et enfin riant franchement, le sage Minos m'expliqua que, visiblement, je n'étais pas vraiment prêt, une erreur administrative étant sans aucun doute responsable de ma présence.
Autrement dit, il me refusait l'entrée et me renvoyait en vie.
Tout en prenant rendez-vous pour venir déguster la pintade au vin jaune.

Pas besoin de vous raconter le retour, si ce n'est les regards curieux des gens me voyant à contre-sens, et bien évidemment les réflexions bourrues de Charron, le passeur, au sujet de ces administratifs qui font mal leur boulot.

Enfin, je rentrai chez moi juste à temps pour décrocher le téléphone.
C'était Mélusine venant aux nouvelles et toute heureuse d'apprendre que j'allais mieux.
" Tu vois bien que j'avais raison, et qu'il suffisait de te soigner énergiquement. "

Pintade au vin jaune et aux morilles

Ingrédients
Pintade de 1,5 Kg
50 gr de morilles déshydratées, 25 cl de vin jaune (au moins), 4 dl de crème, 2 jaunes d'œufs, jus de citron, beurre, sel, poivre

Préparation

Faire mariner les morilles sèches dans du lait.

Faire revenir de tous côtés la pintade, assaisonnée, dans une cocotte avec 30 gr. de beurre et un oignon divisé en quartiers. Ajouter un peu de vin jaune puis couvrir et cuire à four doux environ 20 minutes.
Préparer une liaison de crème et de jaunes d'œufs pour la finition de la sauce.
Ajouter les morilles égouttées. Laisser cuire encore 5-10 minutes jusqu'à évaporation totale.
Déglacer au vin jaune, ajouter de la crème et poursuivre à couvert.

En fin de cuisson, sortir et maintenir au chaud la pintade dans le plat de service.
Porter à ébullition la crème et les morilles puis terminer la sauce avec la liaison crème/oeuf à feu doux ou au bain-marie. Rectifier l'assaisonnement, ajouter quelques gouttes de citron puis verser sur la pintade.