Chronique 23 (27-01-2002)


Ils étaient assis au bord du chemin, lorsque je les ai rencontrés. Elle les mains croisées sur sa robe noire à fleurs, comme étonnée de rester inactive. Lui tirant doucement sur une vieille pipe, sous la moustache bourrue, l'air un brin songeur derrière ses lunettes. Mais tous deux avec une même douceur dans le regard. Je ressentis à les voir une telle complicité, une telle proximité physique dans l'attitude de l'attente que je m'approchais d'eux.

De bon matin, le ciel d'hiver tellement resplendissant m'avait poussé à entreprendre une balade. Les amis montagnards qui m'hébergeaient m'avaient indiqué un circuit intéressant et rempli un petit sac à dos.
Mais voilà, après l'émerveillement des mésanges dans les restes de neige, les paysages sauvages sortant déjà de l'hiver, l'air pur et vif, le ciel s'était noirci et une fine pluie commençait à tomber.
Le chemin du retour s'annonçait désagréable jusqu'à cette rencontre.

" Vous vous rendez compte, Monsieur. Me faire le coup de la panne, à nos âges ! "

La vieille s'esclaffait gentiment, en tapotant la jambe de son vieux, sur son pantalon de velours côtelé.
A leur pied je remarquais une vieille bicyclette dont une roue dégonflée était démontée.

" Mais vous faites de la bicyclette, à deux ? A vos âges ? Est-ce bien raisonnable ; en montagne en plus ? " ne pus-je m'empêcher de leur dire.
" Oh pour une fois. Il faisait beau, et cela nous rappelait l'ancien temps. " répondit le vieux.
" Mais autrement vous circulez encore à pied ? " lui demandais-je, étonné.

Ils partirent tous les deux d'un bel éclat de rire, sonore et espiègle comme celui d'un merle.
" Mais non. Tout de même, Monsieur. Le vélo, c'est juste de temps en temps pour nous amuser. Pour les courses par exemple, nous prenons le 4x4. Nous avons su évoluer. " me répondit le vieux, avec l'air de se moquer un peu de moi.

Il finit tout de même par dénicher dans mon sac une petite trousse à pharmacie et grâce au sparadrap réussit à faire une réparation de fortune. Avant de repartir, ils m'invitèrent à m'arrêter chez eux.
" Ce n'est pas très loin, et vous éviterez ainsi de rentrer trempé. Nous préviendrons vos amis par téléphone. Nous l'avons aussi ! " me disait en souriant la vieille, juchée sur le cadre de la bicyclette.
Les ayant regardés dévaler ainsi la pente en riant, je repris d'un bon pas mon chemin et parvins chez eux.

A la place d'un repas traditionnel de montagne, tournant autour des charcuteries et fromages des alpages, je dégustais une fricassée d'agneau au riz, aux épices harmonieuses, au doux piquant du gingembre, dont la viande avait acquis un agréable moelleux en séjournant dans du yaourt.

Face à mon étonnement de goûter un plat typiquement indien dans sa cuisine, la vieille souriait :
" Mais savez-vous qu'avec internet, nous sommes en relation avec de multiples amis, aux quatre coins du monde. Et d'ailleurs, dans quelques mois, nous avons prévu de rendre visite à notre ami Rajesh, à Bombay. "

Fricassée d'agneau au riz
(gos no pulao)
Catherine Bourzat et Laurence Mouton ; Saveurs Indiennes. Ed. du Chêne


Pour 8 personnes :
préparation : 40 minutes
cuisson : 1 h 20

1 kg d'agneau désossé et coupé en morceaux, pris dans l'épaule ou le gigot, 800 g de riz, 500 g de pommes de terre, 1 yaourt, 1 oignon, 2 cuil. à soupe de noix de cajou, 1 cuil. à soupe de raisins secs, 3 filaments de safran, 1 feuille de laurier, 1 cuil. à soupe de pâte d'ail et de gingembre, 10 cuil. à soupe d'huile, sel.

Pour le massala

1 oignon, 5 piments rouges séchés, 10 grains de poivre, 2 clous de girofle, 1 étoile de badiane, 1 cardamome noire, 1 cuil. à café de noix de muscade râpée, 1/2 cuil, à café de graines de cumin noir, 1/2 bâtonnet de cannelle.

Disposez les morceaux de viande dans une jatte avec le yaourt et la pâte d'ail et de gingembre. Salez et mélangez le tout à la main pour que la viande s'imprègne bien du mélange, puis laissez reposer pendant la suite des opérations.
Faites tremper les raisins secs dans un bol d'eau.
Divisez le riz en deux parts égales. Mettez l'une d'elles dans une casserole, couvrez-la de 2 centimètres d'eau froide salée, parsemez des filaments de safran et ajoutez la feuille de laurier. Portez à ébullition, puis baissez la flamme le plus possible, couvrez et laissez cuire ainsi pendant 5 minutes.
Mettez alors hors du feu et laissez le couvercle sur la casserole pendant 15 minutes - le riz cuira ainsi dans sa vapeur. Procédez de la même façon pour le reste de riz, mais sans les aromates. Épluchez et émincez l'oignon, puis faites-le rissoler dans une poêle avec 1 cuillerée à soupe d'huile. Épluchez les pommes de terre, coupez-les en dés et faites-les revenir dans une sauteuse avec un peu d'huile, jusqu'à ce qu'elles soient tendres. Réservez.
Confectionnez le massala : hachez l'oignon, faites-le blondir dans une sauteuse dans un peu d'huile et saupoudrez-le des épices du massala puis, au bout de 2 minutes, ajoutez les morceaux de viande, préalablement égouttés. Laissez cuire ainsi pendant 5 minutes, en remuant sans cesse. Mouillez avec 50 cl d'eau, couvrez et laissez mijoter pendant encore 20 minutes.

Dans une poêle, faites revenir rapidement les raisins secs et les noix de cajou dans un peu d'huile.
Lorsque la viande est culte, sortez-la de la sauteuse à l'aide d'une écumoire, égouttez-la et mettez-la de côté. Laissez cuire le jus de cuisson jusqu'à ce qu'il ait réduit de moitié.

Disposez le pulao dans un grand faitout, en couches successives: le riz blanc, la viande, les pommes de terre et le riz au safran. Parsemez avec les oignons, les raisins et les noix de cajou frits. Arrosez du jus réduit, puis couvrez et laissez cuire à feu doux pendant 20 minutes avant de servir.
Dressez sur un grand plat, en veillant à composer un mélange harmonieux des différents ingrédients.