Chronique 25 (10-02-2002)


Il y avait des elfes acariâtres tournant et piaillant dans tous les sens en l'honneur du Grand Génie, et puis un grand feu follet verdâtre, brillant d'une luminosité exceptionnelle dont les cris et incantations faisaient frémir.
Les jeunes gens assis en rond autour du feu de bois vert, craquant, fumant, jaillissant d'étincelles, se serraient les uns contre les autres, les yeux exorbités, les membres tremblants.
" Lumière ! Tout n'est que Lumière ! Vos vies sont misérables sans la Lumière ! Venez à moi dans la Grande Arche de Lumière et vous trouverez la Voie….. "
La clairière dans la forêt de sapins résonnait de psalmodies. Le ciel étoilé parcouru de gros nuages défilant devant la lune ajoutait un côté magnifique.

Mettre ou ne pas mettre des amandes effilées et des raisins secs ?
J'en étais là de mes hésitations, lorsque quelques coups énervés à la porte me sortirent de ma douloureuse introspection.

" Bonsoir, Miss Tic ! Entre-donc. Que nous vaut ta visite tardive ? "
" Excusez-moi, Merlin, et vous aussi Dame Mélusine, mais….
Je suis outrée et avais besoin de pousser un grand cri.
Vous savez comme je suis, et comme j'aimerais trouver dans cette forêt une parcelle de douceur dans un monde brutes. Alors là, je n'en puis plus et viens vous dire qu'il se passe des choses intolérables dans une clairière là-haut. "
" Calmez-vous, ma chère Miss Tic, et buvez un verre avec nous. Le temps de mettre ce plat au four très doux, et nous irons voir ce qui se passe là-haut. "

Parvenus à proximité de la clairière des Vieux Sapins, nous entendions les incantations bruyantes.
Visiblement Majatroissoux était revenu dans la région chercher des êtres sensibles susceptibles de renforcer sa cohorte d'elfes à sa dévotion.

" Comment pouvons-nous faire pour interrompre cette mascarade ? Sans risques pour les jeunes gens ? " me souffla, inquiète, la Tendre Mélusine.
" Très simplement. " lui répondis-je en cherchant dans ma houppelande.
Ayant appuyé sur le bouton arrêt de ma télécommande, j'interrompis toute l'alimentation électrique.
Plus d'elfes, plus de sono, plus de lumières, plus d'effets spéciaux, et le prétendu feu follet, vert de rage, partit en courant, laissant là les jeunes gens désorientés, comme sortant d'un vilain songe.

" Mais dis-moi, Merlin ? Ne serait-ce pas ma fille parmi eux ? Venue elle aussi chercher la lumière dans ces billevesées ?"
" C'est elle, et je crois que je vais vous laisser, le temps que tu lui parles de la lumière intérieure. Un tajine attend mes bons soins pour vous révéler sa lumière intérieure à lui."

Lorsqu'elles arrivèrent à leur tour, bien plus tard, je vis à leurs sourires que tout allait bien.
" Mais vous avez vraiment cru que je serais assez godiche pour me faire embringuer par une promesse de recherche de la Lumière ? "
La Princesse riait tout en m'apostrophant.
" En fait, j'ai absolument tenu à accompagner une amie, pour lui éviter de tomber dans ce piège. Je la sens tellement fragile en ce moment. "
" C'est bien dommage que certaines autres jeunes femmes n'aient pas eu des amies comme toi. Mais bon, il est temps de passer à table. Et si tu le veux bien, pourrais-tu baisser l'abat-jour de ta lumière intérieure ? Elle nous éblouit. "

Le bleu magistral que me fit le coup de pied de la Princesse, oublions-le, il n'était que dans le gras du mollet.
Et nous nous assîmes enfin, autour de ce Tajine et de sa lumière. Parce qu'une bonne cuisine, comme la vie, c'est une harmonie entre ses ingrédients, ses cuissons, ses arômes. Sans effets spéciaux, sans recherche d'artifices, dans la simple vérité, loin des discours fumeux.


Tajine de veau aux oignons, miel et safran
Claudie Mousnier

Pour 6 personnes
Préparation: 20 min
Cuisson: 1 h 20

1,5 kg de veau à braiser, 1 kg d'oignons, 1/2 citron, 12 cl d'huile, 5 cuil. à soupe de miel, 2 cuil. à soupe de sucre en poudre, 1/2 cuil. à café de cannelle moulue, 2 cuil. à café de gingembre en poudre, 2 dosettes de pistils de safran, sel, poivre.

Dans une cocotte, faites revenir la viande à feu doux avec la moitié de l'huile sans la laisser dorer. Parsemez avec le gingembre et remuez 1 min.
Versez de l'eau tiède à mi-hauteur, salez, poivrez.
Couvrez et laissez mijoter 40 min sur feu très doux.

Dans une sauteuse, faites blondir les oignons pelés et émincés avec le reste d'huile chaude. Dès qu'ils commencent à dorer, saupoudrez-les avec la cannelle, le safran et le sucre en poudre. Ajoutez le miel, remuez puis laissez caraméliser légèrement.

Mettez les oignons dans la cocotte avec la viande, versez le jus du demi-citron et poursuivez la cuisson 20 min. Environ 10 min avant la fin, retirez le couvercle pour que la sauce réduise légèrement.

Disposez la viande et les oignons dans un grand plat chaud. Décorez éventuellement d'une pincée de safran et servez immédiatement.

Pour une tajine savoureuse, demandez au boucher un mélange d'épaule, de flanchet et de tendron découpés en gros cubes.