Chronique 27 (24-02-2002)


L'hiver traînait encore, ça et là, avec quelques plaques de neiges à l'ombre des grands sapins, et un petit vent froid tourbillonnant. Sous le ciel gris je me hâtais vers ce vieil ami à qui j'apportais une potion médicinale. Mais que son hameau alpestre était loin de tout….

Alors que je peinais dans une dernière côte, j'entendis un pas derrière moi. Me retournant je vis un homme en pleine force de son âge en train de me rattraper, malgré l'énorme fardeau qu'il portait sur son dos.
Parvenu à ma hauteur, il eut la bonté de ralentir son pas et de se mettre à mon allure. Nous parlâmes un peu, lui surtout, tout en bourrant sa pipe.

Il faisait colporteur durant la mauvaise saison, abandonnant aux voisins sa petite fermette, et parcourait les hameaux emportant dans une grande malle sur son dos une multitude de petites choses utiles aux fermes isolées : brosses et peignes, cirages et graisses, rubans et autres fanfreluches, petits livres et brillantines.

Parvenus au village, nous prîmes rendez-vous pour faire un bout de chemin ensemble le lendemain matin.
Et lorsque j'en parlais à mon ami Jacques, il eut les yeux qui s'éclairèrent d'une flamme soudaine :
" Alors si le colporteur est là, il y aura veillée ce soir, chez le Marcel. Nous irons évidemment, car les distractions sont rares ici. "

Le soir venu, effectivement, nous retrouvâmes les autres habitants du hameau réunis dans la grande salle du Marcel. L'ambiance ressemblait à une soirée de fête : un immense feu flamboyait dans la cheminée, les enfants jouaient dans un coin, les paroles étaient fortes et gaies, et les verres souvent remplis.
Assis à côté des anciens, le colporteur tenait le rôle principal, et racontait les nouvelles des vallons alentours, répondant aux multiples questions, ajoutant quelques anecdotes drôles, et mimant parfois les tics des uns ou des autres, faisant rire l'assemblée aux éclats.

" Mais aussi, comme d'habitude, je vous ai rapporté une recette nouvelle, que l'on m'a fait découvrir dans un hameau lointain. D'ailleurs, si vous voulez passer à table, vous allez pouvoir y goûter aussi. "

Pendant le brouhaha, une jeune femme qui aurait été très jolie si elle avait pu effacer les traces de fatigue, et d'amertume, de son visage, s'approcha de lui avec un petit sourire :
" Et bien Monsieur le gentil colporteur ? Vous n'êtes pas passé me voir aujourd'hui. Serait-ce parce que vous auriez oublié de m'apporter mes rubans ? "
Voyant son air gêné, je me précipitais à sa rescousse.
" Ah ça, ce sont de beaux rubans qu'il vous a trouvés. Il me les a montrés ce matin, et je n'en ai pour ma part jamais vu d'aussi beaux. "
Je le tirais fermement vers moi et nous allâmes vers sa malle, dans un coin sombre de la pièce.
Malgré son effarement, je l'ouvris et en sortis les plus beaux rubans de soie que femme eut vus.
Ses yeux couleurs nuages s'éclairèrent, sa main pressa mon bras en remerciements, et il porta les rubans vers la jeune femme restée à l'écart.

Après avoir tous dégusté de ce gratin surprenant, mêlant pommes de terre et poires, nous poursuivîmes fort tard cette veillée, chacun voulant apporter son histoire, son souvenir, son anecdote, même si les enfants s'étaient assoupis dans un coin. Lorsque nous décidâmes de rentrer, Jacques et moi, il y avait bien longtemps que nous n'avions point vu le colporteur, certainement parti se coucher dans la grange habituelle pour récupérer de sa longue marche.

Au matin tôt, après avoir copieusement déjeuner, je me mis en route pensant que mon colporteur m'attendait déjà, impatient de reprendre sa route. Mais il n'était pas encore à notre rendez-vous.
Après une petite attente, j'allais jusqu'à la grange pour le réveiller, mais je n'y trouvais personne, et même pas de trace d'un sommeil dans la paille.
Sans rien dire à personne, je fis quelques pas hors du hameau, et m'asseyant sur un talus je restais à l'attendre en regardant le paysage.
Une bonne heure plus tard, il arriva, guilleret et fumant sa pipe, avec comme un voile dans son regard nuageux. Sans un mot sur ce retard, nous prîmes notre chemin et nos conversations.

Gratin de pommes de terre et de poires
Betty Bossy. A la recherche de grand-maman.

Graisser un moule à tarte.
Couper 1 kg de pommes de terre en robe des champs en tranches, dans le sens de la longueur, ainsi que 3 poires fermes épluchées, en fines tranches, après en avoir enlevé le cœur.
Disposer par couches dans le moule en intercalant poires et pommes de terre.
Ajouter 30 cl de bouillon de légumes.
Parsemer de fromage épicé, puis de 4 c. à soupe de noisettes grillées et sommairement hachées.
Faire gratiner environ 25 minutes au four préchauffé à 220 ° C.