Chronique 44 (23-06-2002)


La haute voûte en ogive donnait aux voix du chœur un relief particulier. Les murs en épaisses pierres de taille étaient nus. Seule décoration de l'immense pièce, les chapiteaux légèrement ouvragés. Attablés à la longue table, une cinquantaine de moine mangeaient, silencieux.
Et parmi eux, Bruno, que j'avais fini par retrouver ici.

Après une longue quête, j'avais retrouvé la trace de cet ami disparu. Et le Supérieur de l'ordre, après m'avoir confirmé sa présence, m'avait autorisé à manger avec eux, mais Frère Bruno n'ayant pas souhaité rompre son vœu de silence, je ne sut pas la raison de cette retraite.
Mais ce qui m'étonnait le plus, c'était qu'il se contentât de ces repas insipides, lui naguère si gourmand.
Après ces frugalités, il me fit l'honneur d'une visite du monastère, y compris la cuisine.
Quel calme, quelle sérénité, quel silence, mais aussi quel ennui …

Après la visite, je me retrouvais seul, chacun étant retourné à son moment de retraite solitaire. Et mes pas naturellement me ramenèrent à la cuisine. N'ayant trouvé aucune boisson à ma convenance dans le réfrigérateur, j'ouvrais les placards les uns après les autres lorsque je remarquai, au fond du placard à balais, une seconde porte. L'ayant ouverte, par curiosité, je m'avançais dans un petit couloir circulaire aboutissant à un escalier en colimaçon. Au bas de celui-ci, une nouvelle porte.
L'entrouvrant avec prudence, je jetais un coup d'œil : c'était une autre cuisine, plus petite, mais aussi plus active, plus parfumée d'odeurs diverses, plus bruyante aussi. Des moines, l'air réjoui, commentaient avec force gaieté leurs activités culinaires.
Au centre, évidemment, Frère Bruno donnait les ordres, vérifiait la bonne exécution des choses, et ne manquait pas de reprendre même le Supérieur :
" Ta brunoise n'est pas assez fine. Et rappelle-toi, tu fais suer à feu doux. Pas comme l'autre fois. "

Ayant oublié toute prudence, j'avais dû trop avancer la tête et il me remarqua.

" M'étonne pas que tu nous ais découvert, sacré gône. Les odeurs t'auront sûrement aidé. Viens donc boire un verre avec nous. "

Nous discutâmes un bon moment, et il me fit bien rire en m'expliquant ses négociations ave le Supérieur pour l'ouverture de cette seconde cuisine.

" Toi qu'est un bec sucré, ça a dû aussi te manquer l'absence de dessert au repas. Tiens, en attendant nos expériences de poulet en papillotes, je vais te faire goûter une petite chose. Mais c'est pas une tarte aux pralines !!!"

Et en préparation aux agapes du soir, je m'amusais la bouche avec un chaud-froid de myrtilles.

500 g. de myrtilles, le jus d'1 citron, 150 g . de sucre, 30 cl. d'eau, 1 c. à s. de gin, 25 cl. De crème glacée à la vanille, 30 g. d'amandes effilées.

Lavez soigneusement les myrtilles, épongez-les.
Faites griller les amandes à sec.
Versez le sucre et l'eau dans une casserole, ajoutez le gin et le jus de citron. Faites cuire 5 minutes.
Plongez-y les myrtilles puis laissez-les cuire pendant 5 minutes à feu très doux. Laissez refroidir.
Préparez quatre belles boules de crème glacée.
Dressez les myrtilles au sirop dans des coupelles individuelles. Disposez au centre de chacune une boule de glace.
Parsemez d'amandes grillées et servez de suite.