Chronique 2 (02-09-2001)


Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées;
Mon paletot aussi devenait idéal ….. *

Et mon sac à dos était devenu bien léger, depuis ces quelques jours de ballades en petite montagne. Les paysages magnifiques, les merveilleuses harmonies du calme des sous-bois, tout cela m'avait fait perdre de vue la nécessité de renouveler mon ravitaillement. Et donc la faim m'avait convaincu de redescendre un peu et de me diriger vers les habitations.
Parvenu devant une petite ferme et fortement intéressé par le poulailler entrevu, je m'étais adressé à la fermière pour acquérir une poule et peut-être quelques pommes de terre et autres menues victuailles.

" Non, rien à vendre. Les poules ? elles sont malades ….. pas d'œufs, les poules sont malades…. Rien à vendre…. Non, pas de légumes non plus….. Ah non, on n'en fait pas de la gnôle, nous …."

Méfiance ? Rudesse ? Peur ancestrale de l'étranger ?
Après avoir tout de même pris le temps de poser mon sac, bu un peu d'eau à la gourde, sorti mes cigarettes ( " Vous en voulez une ? " ), je regardais le poulailler.
" C'est amusant, mais chez ma grand-mère, il y avait aussi un coq comme le vôtre, les mêmes couleurs, pas très gros mais vif et bagarreur…. "
Peu à peu, la conversation s'engageait, même si bien sûr, au début c'était surtout moi qui parlait.
Le plaisir de marcher dans la solitude, de prendre l'air, le besoin de fuir les villes et le bruit.
Et puis l'invitation à s'asseoir à la table devant la maison : " Je vais chercher 2 verres…. "

Un petit vin rugueux mais gouleyant, très fruité. " C'est pas du bon, hein, mais ça déssoiffe. "
Et lorsque bien plus tard, j'annonçais que je devais tout de même partir me mettre en quête de nourriture, elle m'invita à aller en choisir un, de poulet. Que de toute façon, leur 'maladie' n'était pas bien grave. Mais que c'était gratuit, hein ; pas une vente.
Mais attraper un poulet, dans un champ, je n'en avais pas bien la pratique. Et quand elle me vit bien essoufflé et les genoux bien tachés, avec un franc sourire, mais sans moquerie, elle vint se saisir prestement du plus beau de ses poulets.

" Je crois que vous allez être embêté pour le tuer. Je vais le faire. "
Ce qui fut rapidement fait, d'un geste sûr, sur un billot près de l'enclos ; aussitôt la bête vidée, elle se mit à la plumer rapidement.
" Mais j'y pense, si vous campez là-haut, c'est un peu risqué de faire du feu, en ce moment. Je vais vous la faire cuire à la maison. "
Nous nous installâmes donc à l'intérieur, elle aux fourneaux, moi à sa table, avec nos verres.
" C'est une recette d'un copain, cuistot à Genève. Il la rapportée d'un voyages aux Indes, et me l'a envoyée par e-mail. Vous voyez, nous avons nous aussi des contacts avec le monde, dans nos montagnes reculées. "
Comme un petit sourire espiègle éclairait ses yeux.
" Et il m'arrive parfois d'aller sur un forum de discussion où l'on parle de cuisine. J'ai même vu certaines photos sur le site racontant leurs rencontres gourmandes. "

Nous mangeâmes ensemble, évidemment, son Madrasi Chicken Curry, tout en papotant sur la vie en montagne et en ville, sur Internet et la cuisine. Et lorsqu'il fut temps pour moi de rejoindre mon campement, nous échangeâmes nos e-mails.

MADRASI CHICKEN CURRY
Recette du Café Gourmand

400 gr. de suprême de poulet émincé, 1 c.à.s. de ghee (ou beurre clarifié), 1 c.à.s. de pâte (oignon, gingembre frais, ail en 3 tiers), 1/2 mangue fraîche en dés, 2 c.à.s. de curry de madras fort, 3 c.à.s. de yoghourt nature, eau, sel, poivre, Garam masala.

Saler et poivrer le poulet et le faire saisir au ghee très chaud dans une poêle.
Immédiatement après avoir fait colorer la viande, ajouter la pâte. Faire revenir un peu.
Ajouter la mangue et le curry. Laisser revenir encore un peu.
Incorporer le yoghourt, de l'eau pour faire la sauce, rectifier l'assaisonnement et laisser cuire jusqu'à ce que le poulet soit tendre et juteux.
A ce moment, saupoudrer de garam masala, mélanger et servir de suite, accompagné d'un riz basmati.

* Arthur Rimbaud.