Chronique 12 (17-11-02)


Comme il me fallait absolument, pour ma nouvelle expérience, de ce lichen repéré dans le bois de Civaux, je me résolus à affronter la neige tombée depuis quelques jours.
Bien chaussé et chaudement vêtu, je cheminais en me repérant aux arbustes tant connus, aux dénivellations reconnues, devinant le chemin habituel recouvert de cette neige abondante, immaculée.
Plaisir des sonorités étouffées, des crissements chuintés, des luminosités ouatées.

Depuis un moment, parallèlement à mon chemin, je remarquais les traces d'un lapin, petites marques sautillantes dans la neige profonde et fraîche.
Parvenu aux premiers sous-bois, ces marques subitement devenaient traces de lutte, d'échauffourées, de soubresauts incontrôlés.
M'approchant, je découvrais, sous un buisson, le lapin, le cou pris dans un garrot. Il respirait encore, mais difficilement.
Une fois que je l'eus défait de son collier de torture, je lui proposai de le ramener chez moi pour le soigner. Il mit sa patte sur mon épaule.
" Je te remercie, camarade. Mais je sens bien qu'il est trop tard pour moi. Je ne reverrai pas ma femme, mes enfants, ni la maison et le pays qui m'ont vu grandir. Si tu le peux, dis-leur que mes dernières pensées étaient pour eux. "
" Je n'y manquerai pas. Je te le promet. Ils sauront que tu es mort pour eux. "
Les mots avaient du mal à sortir de ma gorge, et les yeux me piquaient.
Le froid sans doute.

" Une dernière chose. Je ne voudrais pas que mon corps reste à l'abandon. Peux-tu me manger ? "
" Mais ? Que dis-tu ? "
" Je voudrais que tu me manges. Choisis une bonne recette, tout de même. Ainsi, je continuerai de vivre. En toi. Tu seras un peu moi, et je serai un peu toi. "

Ne pouvant refuser les dernières volontés d'un mourrant, et aussi parce qu'il était fort appétissant, je le fis cuire au vin rouge. Avec des pruneaux, des champignons, des poires, des raisins secs, et une touche de gingembre.

Mélusine apprécia beaucoup, elle aussi, le civet de mon ami lapin.
" Mais tout de même, mon cher Merlin, je n'apprécierais pas trop que tu deviennes TRES lapin… Alors n'en manges pas trop souvent… "

Lapin au vin rouge.
Adaptation d'une recette transmise par Mulamichel sur Fr.rec.cuisine.

Lapin un bon vin rouge, armagnac, raisin de Corinthe, poires, pruneaux, ventrèche (ou poitrine salée), graisse de canard, oignon, ail, laurier et thym, champignon de Paris, racine de gingembre ( ou en poudre ), écorce de cannelle ( ou en poudre ).

Faire tremper les raisins de Corinthe dans un bol avec de l'armagnac deux heures au moins. Si on le peut récupérer le sang du lapin dans un récipient mélanger un peu de vinaigre, qui l'empêche de " cailler".
Découper le lapin, garder le foie et rognon. Dans une cocotte, faite fondre de la graisse de canard ( ou chauffer de l'huile ) et y faire revenir les morceaux de la bête, laisser prendre couleur, saler et poivrer, ajouter l'oignon coupé en lamelles, trois gousses d'ail écrasées et la ventrèche coupée en petit dé, le bouquet garni ( persil ,laurier, thym ), un peu de gingembre râpé, émietter l'écorce de cannelle.
Mouiller avec deux louches d'un bon bouillon, que l'on avait en réserve, préparé avec des os de boeuf et de veau, un peu de porc et le légumes habituels, carotte, navet, poireau, oignon piqué de clous de girofle, bouquet garni... Ajouter le vin rouge et laisser cuire 1 heure à feu doux.
Peler des belles poires en les laissant entières et les poser dans la cocotte. Ajouter les raisins et leur bain d'armagnac, peler de belles têtes de champignons de Paris et laisser cuire dans la sauce encore 15 minutes.
Dénoyauter des pruneaux d'Agen bien gras et les mettre en dernier. Laisser mijoter tout doucement encore 15 minutes.
Avant de servir, hacher le foie de lapin, mélanger avec le sang, verser hors du feu dans la cocotte, le sang ne doit pas bouillir.