Chronique 22 (26-01-03)


" Ah ça, Monsieur, c'est un grand malheur quand on a des fourmis dans les jambes…. "

Ayant dû faire une halte dans une petite auberge, et la soirée s'annonçant longue, je m'étais laissé allé à écouter un autre voyageur. Il éprouvait le besoin de se raconter, et ses yeux tristes, ses épaules abattues, sa lassitude, me poussaient à rester assis près de lui.
Un feu consumait tranquillement quelques bûches dans l'âtre pendant qu'il se servait abondamment de la bouteille d'alcool de poire posée entre nous.

Voilà dix ans déjà qu'il avait quitté son village, ses parents et amis, sa tendre fiancée, pour aller voir le vaste monde, au-delà des vallées de son enfance.
Il en avait vu des merveilles ! mais aussi combien de misères. Il avait eu de l'argent, mais parfois aussi été obligé de mendier son pain.

" Le monde, c'est bien partout pareil. "
" Mais pourquoi ne pas retourner chez vous ? "
" Mes parents sont décédés, mes amis m'ont sans doute oublié, quant à Jeannette ... "

Je finis par promettre à Jacques de passer par son village, ce n'était qu'un petit détour.

Lorsque Jeannette, l'institutrice, eut lu le petit mot confié par Jacques, elle pâlit.
" Venez me voir ce soir, après la classe. Mon mari est allé voir ses parents. Enfin, c'est ce qu'il m'a dit."
La nuit commençait à tomber lorsque je me présentais chez elle. Et tout de suite elle s'emporta.
" Mais enfin, on n'a pas le droit de s'en aller comme ça, et de vouloir revenir des années après. La vie continue pendant ce temps-là, Monsieur. Il voulait voyager, et bien qu'il voyage. "
La colère une fois passée, elle s'enquit de sa santé, et nous discutâmes un bon moment.
" Mais vous devez avoir faim, et moi qui n'ai pas grand'chose à vous proposer. "
" Si vous le permettez, j'emporte toujours avec moi quelques ingrédients. Je vais cuisiner. "

Nous installant en cuisine, je commençais à préparer une pintade à l'orange et au miel.
" Mais comment connaissez-vous cette recette ? Jacques adorait lorsque je la faisais. "
" C'est justement Jacques qui me l'a donnée. "
" Ah j'aimais bien cuisiner dans ce temps-là. Depuis… disons que je n'en ai plus vraiment envie. Il faut tout de même certaines motivations."

Lorsque tout fut prêt, elle appela ses enfants. Jacques, le plus grand, et ses sœurs Michèle et Pauline, étaient des enfants charmants et sages.

A la fin du repas, une fois les enfants retournés dans leur chambre, j'osais la question qui me taquinait.
" Ca lui fait quel âge, au petit Jacques ? "
" Qu'est-ce que ça peut vous faire ? "

Après un moment de silence, elle reprit :
" Il va avoir 10 ans. Mais je vous en prie, ne dîtes rien à son père. Et si vous lui disiez simplement que vous ne m'avez pas retrouvée ? "

Pintade à l'orange et au miel
Cuisine Actuelle 01/03

Pour 4 personnes

Préparation: 20 min - Cuisson: 40 min

2 oranges, 3 échalotes, 100 g de sucre , 1 cuil. à soupe d'huile, 15 g de beurre, 1 cuil. à soupe de miel, 5 cl de Grand Marnier, 1 cuil. à soupe de vinaigre de vin blanc, 1 cuil. à café de fond de volaille déshydraté, 2 feuilles de laurier, l clou de girofle, sel, poivre du moulin.

Rincez une orange, prélevez le zeste à l'économe, grattez la peau blanche, puis taillez-le en bâtonnets. Ebouillantez-les 3 Min. Egouttez, puis faites-les confire 10 min avec 20 cl d'eau et 100 g de sucre sur feu doux.

Dans une cocotte, laissez colorer les morceaux de pintade salés et poivrés et les échalotes émincées avec l'huile et le beurre. Pressez les oranges et versez le jus dans la cocotte.

Ajoutez les zestes, le Grand Marnier, le miel, le vinaigre, le fond de volaille, le laurier et le clou de girofle. Couvrez aux trois quarts et laissez cuire 20 min à feu doux jusqu'à ce que le jus soit sirupeux. Servez décoré de rondelles d'orange avec un riz blanc ou de la polenta de mais.

Notes du 25/01/03 :
Zesté au zesteur. Brins trop petits pour confire. Ajout de bâtonnets d'orange confite.
A l'issue de la cuisson de la pintade, le jus n'étant pas sirupeux, j'ai débarrassé au chaud, et laissé réduire le jus. Servie après avoir réchauffé les morceaux dans le jus, sans rondelles d'orange avec un riz blanc.