Chronique 28 (9-03-03)


Le ciel en cette matinée était uniformément bleu, très pâle, intensément frais, comme rajeuni par ces premiers rayons de chaud soleil de printemps. Un ciel nouveau comme ces premiers petits navets sucrés, ces premiers radis poivrés, ces salades croquantes au cœur délicat qui n'allaient pas tarder à venir fleurir les assiettes.
Assis dans une clairière sur un vieux banc de pierre j'écoutais la renaissance de la nature à la sortie de l'hiver. Les chants des oiseaux, les bruissements des herbes, les craquements des arbres, la respiration de la terre, tout était plus gai, plus vif. Le plaisir simple de la vie reprenant son cours. Finis les temps rudes, voici bientôt les jours aimables d'abondance et de sève vigoureuse.
Contemplant les premières couleurs vives des primevères, je laissais ma main parcourir la pierre séculaire. Mon attention finit par être attirée par l'activité de mes doigts. Ils semblaient suivre des dessins gravés dans la pierre. Un peu de terre parsemée et époussetée me permit de voir des mots écrits : 'sirop d epices'.

Etonné que ce vieux rêve me rattrape jusque là, j'effaçais ces mots de mon esprit et repris mon chemin, pour m'emplir les poumons des parfums rafraîchissants.

Dans le sous-bois, les senteurs d'humus étaient très fortes, mêlant ces arômes boisés aux fraîcheurs printanières légèrement acides.
Lorsque j'entendis le pic-vert lointain changer son tac-à-tac-à-tac pour un 'sirop-d-epice-sirop-d-epice' ; que le coucou chanta 'si-ro, si-ro' et que même les traces de biches dans l'allée humide représentaient les lettres e-p-i-c-e, je sus que mon vieux rêve m'avait rattrapé.

Il fallait donc que je retourne vers mes fioles et cornues reprendre cette recherche insensée d'une recette rêvée mais impossible à réaliser.
Rebroussant mes pas à contre-cœur vers mon destin laborieux, je repassais devant le banc de pierre. Machinalement je lui fis un signe de la main en disant : " Sirop d'épices "
Une voix rocailleuse me répondit : " Tout de bon, penses aux vivacités printanières. "
Comme j'étais loin de toute personne humaine, je me mis à parler au banc de pierre, espérant qu'il me donnerait sinon la recette rêvée, au moins quelques indices. Mais la pierre resta muette, évidemment.

Sirop d'épices

Préparer une mirepoix de légumes (oignon, carotte, céleri, navet, etc… et la faire suer au beurre à petit feu. Ajouter un litre d'eau et laisser réduire pour obtenir un bouillon très dense.
Passer au chinois. Remettre les légumes sur feu vif avec un peu de beurre, puis déglacer avec un verre de vin blanc sec. Ajouter le résultat au bouillon.

Préparer un sirop avec 4 cuillères à soupe de miel et 2 fois le volume d'eau (environ 80 cl.).
Lorsque le miel est dissout, ajouter des épices (1 c. à s.) : gingembre en poudre, cannelle, cumin, curcuma, ainsi que quelques cosses de cardamome égrainées et des baies de Séchuan..

Prélever le zeste d'un citron vert et d'une orange. Les faire suer au beurre puis ajouter 20 cl. d'eau. Laisser réduire à petit feu en ajoutant quelques feuilles de sauge et de marjolaine.

Verser le sirop de citron-orange au bouillon de légumes. Laisser mijoter à petit feu.
Puis à travers un chinois verser dans le sirop au miel.
Laisser réduire longuement, jusqu'à obtenir un liquide sirupeux.

Idéal pour accompagner un magret de canard cuit rosé, accompagné de pois gourmands al-dente parsemés de sésame grillé.