Chronique 29 (16-03-03)


Lorsque nous arrivâmes au chalet aux abords de la forêt, l'air était vif malgré le soleil printanier. Les jeunes buses dans le ciel s'essayaient à leurs premiers piqués aventureux, les petits écureuils gambadaient à vue et se cachaient du mauvais côté des troncs, et un jeune faon se prit un joli coup de sabot par son père pour avoir esquissé une approche vers des étrangers.
Oiseaux siffleurs, fleurettes gaies, brins d'herbes frais, bourgeons éclos, gazouillis lointains de ruisselets. Le printemps n'est plus très loin.

" Papy ! Pourquoi elle est cassée la porte ? "
" Enzolin ! je t'ai déjà dit de ne pas m'appeler comme cela. Surtout lorsqu'il y a des gens. "
" Mais Papy, il n'y a personne ici. "
" Et tous ces gens qui lisent cette Chronique ? Ils comptent pour du beurre ? "
" Ah oui, zut ! J'ai toujours du mal à m'en souvenir. Mais dis-moi, Papy Maître Merlin, pourquoi elle est cassée la porte ? "

Effectivement, la porte d'entrée avait été brisée d'un bon coup d'épaule.

" Maître Papy ? Pourquoi la cuisine elle est comme quand je fais de la pâtisserie et que Maman me gronde ? "

La cuisine avait visiblement subi une tornade. Pots cassés sur le sol, épices en tous sens, farine de partout, liquides divers renversés. Sur la table, un gros tas de pâte non finie (farine, œufs, beurre, lait) avec des traces de pattes aux ongles fins. A côté, un autre tas plus petit, avec des traces plus petites.

" Merlin Papy ! Y a quelqu'un qui s'est couché dans mon lit ! Et ça sent fort ! "
" Enzolin ! Ouvre la fenêtre. Nous allons aérer ta couette et tu verras, tu dormiras comme un ange. "

Visiblement, nous avions eu de la visite, depuis que j'étais passé remettre de l'ordre dans le chalet, en prévision de cette semaine avec mon nouvel élève Enzolin.
Il se disait qu'avec le retour des ours dans la région, il arrivait que certains d'entre eux s'aventurent vers les habitations pour trouver de la nourriture, mais de là à s'allonger dans nos lits et salir nos cuisines …

Après avoir nettoyé la maison, rangé nos provisions et pris un léger repas, je bordais mon apprenti et nous nous endormîmes.

Au petit jour, je fus réveillé par un grand bruit.
Le temps de sortir totalement du sommeil, de me demander ce qu'il pouvait se passer, j'entendis gratter et frapper à la porte (celle que j'avais renforcée d'une barre de fer).
Avec précipitation et nu-pieds, je m'y trouvai nez à nez avec une Ourse affolée. Que je suivis, comme elle me le demandait. Qu'aurais-je pu faire d'autre ?
Elle me conduisit vers notre coffre à victuailles, contre le mur extérieur, dans lequel on entendait de sombres coups. Je l'ouvris avec la barre de fer adéquate et nous découvrîmes à l'intérieur un ourson rigolant, la figure toute bariolée de confiture, de chocolat et de tarte aux pralines.

" Excusez-nous, Monsieur Merlin. Ce garnement est vraiment trop gourmand. Et comme je me suis fait limer les griffes récemment par mon esthéticienne (c'était un souhait de mon époux, vous comprenez, n'est-ce pas ?) je ne parvenais pas à ouvrir ce coffre. "
" Mais chère Madame, je sais bien ce que sont les enfants. C'est notre joie, mais aussi, parfois, nos tourments. Enfin, il vaut mieux quelques turbulences, c'est signe de vie."
" Monsieur Merlin, vous êtes bien ce que l'on m'avait dit : un homme affable et charmant. Mais Martinou sera tout de même puni. J'espère qu'il n'a pas fait trop de dégâts ? "
" Mais non, regardez. Il n'a pas touché à la viande. "
" C'est effectivement un joli morceau de bœuf. De la griffe, si je ne me trompe ?"
" Tout à fait. Une viande intéressante pour un ragoût. "

Nous discutâmes un long moment, Martine et moi, pendant que les enfants jouaient. Voyant le temps passer, je l'invitais à venir dîner avec nous le soir même, ainsi que Monsieur Martin.

" C'est vraiment très aimable. J'appelle tout de suite Martin, pour qu'il annule ses autres rendez-vous. Souhaitons qu'il ait laissé son portable branché…. Et vous êtes vraiment chou de garder Martinou pour la journée. C'est vrai qu'ils s'entendent bien. Mais c'est à charge de revanche. Entre voisins…"

Lorsque Mélusine arriva, en fin d'après-midi, elle fut surprise de voir Enzolin jouer avec son nouveau camarade.
Elle fut encore plus surprise lorsque nos invités arrivèrent.
Martin lui fit un très élégant baise-main et Martine lui fit la bise.
" C'est bien trois bises chez vous, n'est-ce pas Mélusine ? "
Je vis bien qu'elle était plus sensible aux yeux bleus clairs de Martin qu'aux prévenances de Martine.

La soirée fut très agréable, avec nos nouveaux voisins, autour d'un simple ragoût de bœuf.
Et nous réussîmes à éviter certaines conversations lorsque Enzolin posa cette question :
" Papy Maître Jean, le bœuf, c'est pas de la chasse, hein ? ".


Ragoût de bœuf base
De: "Teddy" 10 mars 2003

Colorer dans du beurre clarifié (ou de l'huile) la viande, lentement et bien comme il faut de tous côtés, salez, poivrez, 1 feuilles de laurier frais par personne, bien bien colorer, on prend son temps, c'est pas du karaté!

A cette viande colorée, ajoutez: des oignons (disons 100 gr. par personnes) pluchés coupés en carré de 0,5 cm2 environ et 2 gousses d'ail par personne. Touillez, touillez et laisser les oignons colorer à leur tours.

Là, vous pouvez si vous le souhaitez, ajoutez des carottes fraîches épluchées et coupées en bâtons par exemple, ainsi que pourquoi pas, des bâton de céleri pomme, ou un émincé en biseau de céleri-branche, et/ou encore une couenne de lard, bref...
Vous pouvez aussi ajoutez des champignons de Paris; il en existe dit "bouton" ils sont tout petit et présente bien comme garniture de ragoût, car ils peuvent être laissé entier. Les laver comme il faut, et les ajouter à la viande, en remuant alors délicatement.
Faites juste attention de proportionner vos légumes sans quoi, si vous en mettez trop, vous aurez un ragoût qui sentira fort le légume, surtout avec le céleri, très puissant en goût. Mais, disons, 80 gr. de carottes par personnes, 40 gr. de céleri net, champignons, 50 gr. par personne par exemple, iront très bien.

La couenne de lard, c'est pas obligé non plus. Elle apportera son goût. Ce sera différent que si vous n'en mettez pas. Mais ce sera aussi bon !

A ce stade, vous pouvez si vous le désirez, soit:

- Mettre un soupçon de concentré de tomates, qui donnera un peu de corps et de couleur ainsi que son goût. Le concentré de tomates _doit_ absolument rôtir avec la viande, pour perdre son goût acidulé et gagner en puissance de pouvoir colorant.

- Saupoudrez d'une bonne pincée de farine (1 cuillère à soupe par 2 personne). Cela s'appelle "singer" et ça sert à apporter du corps à votre sauce de ragoût. Mais cela n'est pas obligé. Il faut savoir qu'un ragoût singé, peu attacher plus facilement, la farine se collant au fond de la casserole. Donc, attention et remuez souvent.

Ajoutez alors des tomates (2 par personnes) fraîches, coupées en petits cubes. Remuez comme il faut, ajoutez du thym, du romarin frais si possible et (truc à moi) du garam masala si vous avez, sinon clou de girofle et poivre en grain et pourquoi pas un soupçon de piment, du bon, du penjab tiens ! Allez je plaisante, il y en du bon partout.

Mouillez (couvrez largement d'eau) et portez à ébullition. Laissez mijoter lentement mi-couvert. (attention si vous avez singé).

Lorsque la viande est cuite (tendre à souhait et pas avant) vous êtes sensés avoir une sauce qui a du corps. Si ce n'est pas le cas, retirer la viande (avec une écumoire par exemple) et laissez mijoter encore, jusqu'à ce que la sauce ait suffisamment de corps. Remettez la viande dedans, rectifier l'assaisonnement en sel, poivre.

Bonne cuisine,
Salutations Chaleureuses,
Teddy