Chronique 5 (23-09-2001)


Un excellent ami, retiré au fond d'un joli petit val de montagne nous avait invité pour quelques jours, Mélusine et moi, afin de nous faire connaître ses magnifiques paysages, et ses non moins magnifiques recettes gourmandes.
Il nous parla tant et tant d'une de ses relations, cuisinier de son état, personne n'est parfais, mais surtout admirateur fervent des herbes sauvages. Il paraîtrait qu'il en met dans toutes ses sauces, obtenant des saveurs étonnantes, et ne cuisine d'ailleurs plus autrement.
Désireux comme de bien entendu d'apprendre toujours plus, nous convînmes d'un rendez-vous pour aller avec l'herboriste faire un tour dans les prés et connaître un peu de ses secrets.

Nous voici donc, tôt dans la matinée, grimpant comme des chèvres dans les alpages. Le soleil était frais, un petit vent secouait les feuilles et les nuages couraient vite dans le ciel. Nous suivions l'homme au grand chapeau noir qui parlait à très forte voix, comme si nous étions sourds ou d'intelligence limitée.

" Coupez délicatement les tiges, toujours avec un couteau, sans enlever les racines. Les herbes pourront de cette manière de nouveau proliférer. "
" Ne ramassez que des herbes que vous connaissez parfaitement. Certaines peuvent être nocives. De plus, il faut toujours bien les laver en rentrant, et le mieux c'est même de les faire bouillir….. "

Heureusement que la promenade était agréable et les paysages beaux, sinon nous aurions depuis longtemps fait demi-tour, abandonnant le triste professeur jaloux de ses secrets. Et pendant que l'herboriste herborisait, nous courions dans les prés, roulions dans l'herbe et riions dans les sous-bois.
Lorsque le temps parut finir par tourner au gris, j'émis l'idée qu'il serait temps de rentrer. Mais notre homme, tout à ses récoltes et à ses déclamations, enfoncé dans son grand chapeau, n'entendait personne. Nous décidâmes de l'abandonner et de rentrer par le chemin des écoliers.

Au bas d'un chemin en belle descente, qui devait raccourcir notre retour, nous découvrîmes une grande et belle bâtisse ancienne. La pluie menaçant de plus belle, nous osâmes sonner à la porte. Une religieuse nous ouvrit et très gentiment nous offrit l'hospitalité de l'abbaye.
Quelle paix, quelle sérénité dans ces vieux murs épais, ces grandes salles lumineuses de la faible lueur du jour. Nous rencontrâmes nonnes et moines affairés à la cuisine. Et ils se firent un plaisir de nous faire visiter leur potager, leur jardin d'herbes, leur volailler et autres étables; de nous parler des plats simples et bons qu'ils se plaisaient à réaliser et à partager avec les hôtes de passage.

Ils nous retinrent évidemment à leur table, et pendant que la pluie redoublait au-dehors nous nous sommes régalés d'un merveilleux plat de rognons de veau.
Tout d'un coup Mélusine se souvint de notre herboriste :
" Le pauvre malheureux doit être trempé à l'heure qu'il est ! "
" Il est à l'abri de son grand chapeau ! " répliquais-je. " Et après tout, s'il nous avait écoutés, il serait parmi nous, à cette table. Délicieuse, même sans un florilège d'herbes sauvages. "
" Celles du jardin suffisent à nos besoins " commenta sagement une des religieuses, avec un petit sourire de connivence.

Rognons de veau flambés au Noilly

Pour 4 personnes :
4 rognons de veau, 150 g de beurre, 3 verres de Noilly-Prat, 1 cuillerée à soupe de moutarde forte, farine, sel, poivre.

Dégraisser puis émincer finement les rognons, les fariner légèrement. Mettre 100 g de beurre dans une poêle. Faire revenir les rognons à feu vif pendant 5 minutes, saler, poivrer.
Réserver. Déglacer avec le Noilly, flamber. Laisser réduire 3 minutes, incorporer la moutarde forte, bien délayer. Remettre les rognons

Au moment de servir, ajouter hors du feu une noix de beurre. Bien mélanger à la sauce.

(recette Mère Brazier)