Chronique 32 (6-04-03)


Lorsque j'entrai dans le village, je ressentis une étrange atmosphère, triste et pesante. Pas de fleurs aux balcons, pas de verdure, pas de vitrines chatoyantes, pas de couleurs vives, ni musiques ni chansons, mais du gris partout, du gris dans les ruelles, du gris sur les maisons, du gris sur les visages. Certainement aussi du gris dans les cœurs.

Une histoire de bête sauvage attaquant les promeneurs m'avait convaincu de venir tenter de rendre service. Mais je restais dubitatif devant les témoignages entendus : recouverte d'écailles pour l'un, elle était poilue comme un ours pour l'autre ou encore vêtue d'une armure ; crachant le feu, ou armée d'une immense épée ; rugissant comme un lion ou sifflant comme un serpent. Le seul point commun semblant être sa férocité, la peur ressentie et de la nourriture emportée. Hormis le fait qu'aucune victime n'ait été encore déplorée.

Après avoir longuement discuté avec le patriarche du village, et m'être régalé d'un succulent ragoût de porc à la moutarde, servi par Manon, l'exquise fille de la maison, je m'apprêtais à partir passer la nuit dans la forêt. Ayant fait quelques pas, je fus rejoint par Manon, discrète et apeurée, qui posa sa main sur mon bras :
" Vous n'allez tout de même pas le tuer ? "
" Jeune fille, je ne suis pas homme de guerre. Je pars donc sans armes. Sinon cet anneau magique à mon doigt. Signe de paix, il est compris par tous, hommes et animaux, créatures des dieux et créatures des diables. "

La nuit était belle, sous les rayons d'une lune blanche, parmi les derniers chants de la forêt s'apprêtant au repos nocturne.
La fouine et le hibou, le vieux chêne et la mare aux grenouilles m'ayant renseigné, je trouvais sans trop de peine le refuge de la bête.
Mais j'attendis sagement le lever du jour pour l'affronter.

Lorsque Pierre se réveilla dans son lit de fougères, il fut surpris de me voir, et j'en profitai pour entamer la conversation.
Chassé du village et parti très loin, il avait fini par revenir. La nourriture faisant souvent défaut, et pour changer des racines et autres fruits sauvages, il avait imaginé ce subterfuge pour se procurer des aliments.
" Mais pourquoi revenir ? Il y a tant d'autres villages accueillants pour un homme vaillant ? "
" J'y suis allé voir, mais n'y ai pas trouvé d'autre Manon. "

Le lendemain, je dus expliquer aux villageois réunis, que l'Esprit de la forêt, par vengeance, leur envoie régulièrement une de ses créatures.
Pour le calmer, ils devront chaque semaine envoyer une jeune fille du village lui porter de la nourriture en offrande dans la clairière magique.
Et pour commencer, afin de bien signifier l'acceptation du marché, un plat de cet excellent ragoût de porc à la moutarde. Bien sûr ce serait mieux si l'offrande était apportée par Manon, la fille du patriarche …

" Mais comment nous défaire définitivement de cette malédiction ? "
" Patriarche, prenez patience. L'Esprit de la forêt vous le fera savoir. "

Effectivement, quelques temps plus tard, lorsque Manon lui annonça qu'elle était enceinte et voulait marier Pierre, il comprit le message de l'Esprit.
" Ce sera un garçon ? Il me semble bien que j'ai gardé quelque part mon vieux train neuronal. D'un autre côté, je crois bien que ta mère a conservé, elle aussi, quelques poupées atomiques. "

RAGOUT DE PORC A LA MOUTARDE
Transmise par 'Pomme'
Pour 8 personnes

Couper 2 kg d'épaule de porc en cubes et les faire revenir dans de l'huile chaude. Retirer les morceaux, jeter l'huile de cuisson. Dans une cocotte mettre de l'huile et du beurre, y faire légèrement rissoler 600 gr d'oignons émincés. Remettre la viande et faire dorer encore un peu.
Saler, poivrer et fariner légèrement. Mouiller avec 1 bouteille de vin blanc Sauvignon et 1/4 de litre de bouillon dans lequel aura été mélangé 1 verre de 280 g de moutarde forte.
Laisser mijoter 2 heures (un peu moins si les cubes de viande sont petits).
A mi-cuisson, ajouter une bonne vingtaine d'oignons grelots.
Si la sauce est trop liquide en fin de cuisson : retirer la viande et faire réduire.
Au moment de servir mettre 20 cl de crème fraîche, battre et remettre la viande.
Personnellement je mets un peu de thym et de laurier en plus.

Note du 5-04-2003
Pas d'épaule, mais rouelle (proposé par le boucher)
Cuisson totale : 1 h 30.
Pendant la réduction, feuilles de sauge et de curry, mais pas de crème, ni thym, ni laurier.